ÉVOLUTION ET PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT

DU BLÉ PANIFIABLE AU QUÉBEC

 

 

RICHARD MORIN, agronome

Conseiller en grandes cultures et agroenvironnement

Direction régionale de Québec – Capitale-Nationale

 
 

 

 


Vous savez qu’au 17e et 18e siècle, le blé occupait 65 à 73 % des récoltes.  Plus tard en 1830, le froment (blé) occupait seulement 20 % des moissons pour tomber à 4,4 % en 1844.  Les raisons étaient soit la rouille ou le piétin à cette époque.  Aujourd’hui, c’est la fusariose principalement.

Au Canada, le blé est produit en grande quantité depuis le début du 20e siècle et en 2001, on a produit 20,7 millions de blé roux de printemps (autre que le blé dur) sur 9,3 millions d’hectares.  Généralement, 85 % du blé de l’Ouest Canadien est de type blé roux de printemps de l’Ouest Canadien.

Au Québec, on a recommencé à produire du blé panifiable (de printemps) depuis 1985 et du blé blanc d’automne au début des années 80.

En 1985, les minoteries ont accepté près de 15 000 tonnes de blé blanc et très peu de blé roux panifiable.  En 1986, les producteurs ont débuté en pratique la production de blé roux de printemps panifiable pour des livraisons de 10 000 tonnes auprès des acheteurs, ce qui s’avérait prometteur.

Cependant, dans le blé tendre blanc d’automne (blé mou), des problèmes de germination sur épi ont surgi en 1986 et sur une production de 25 000 tonnes, à peine 3 000 tonnes furent acceptées par les minoteries pour cette année récolte.

Après la saison 1986, voyant un certain risque dans le blé blanc en ce qui a trait à la qualité, les céréaliculteurs décidèrent en 1987 d’ensemencer près de 37 000 hectares de blé d’alimentation humaine (toutes catégories) pour une production avoisinant les 110 555 tonnes (tableau 1) dont
104 555 tonnes furent acceptées pour la consommation humaine, ce qui représente 16,6 % des besoins des minoteries en blé.

De ce volume, 94 500 tonnes de blé roux panifiable se dirigea vers l’extraction de la farine de blé pour la production du pain.  Ce fut notre meilleure année en quantité et en qualité.  Ce volume couvrait 18,1 % des besoins de 520 000 tonnes de blé panifiable des minoteries industrielles québécoises situées à Montréal.  Entre 1990 et 2001, le volume du blé roux panifiable tourne entre 30 000 et 55 000 tonnes annuellement, au Québec.

Aux tableaux 2 et 3, on a les données de production totale du blé et celles du blé d’alimentation humaine.  Le tableau 3 suscite du questionnement et je vous le commenterai.


 

2.   LA POLITIQUE DU DOUBLE PRIX DU BLÉ

En 1988, pour différentes raisons de commerce international et également suite au développement rapide du blé de consommation humaine dans l’Est du Canada, la Commission Canadienne du Blé a aboli sa « Politique du double prix du blé » enlevant ainsi un avantage pour la production intérieure canadienne de blé.

Dans l’industrie laitière, les producteurs bénéficient d’un prix intérieur beaucoup plus élevé que le prix international et cette industrie est forte et en santé.

3.   ASPECT ÉCONOMIQUE

À cette époque, nous suggérions au gouvernement dans le plan d’interventions intégré des céréales d’alimentation humaines, la mise en place d’un régime d’assurance stabilisation pour la fève soya, un programme distinct pour le blé d’alimentation humaine dont le rendement est plus faible que le blé fourrager.  À l’été 1989, nous avions ces 2 programmes en place et partant de là, l’aspect économique était réglé.  Il faillait maintenant connaître notre capacité à produire rendement et qualité sur une base régulière et pérenne.

4.   LES ÉLÉMENTS DE LA PROBLÉMATIQUE ET LES AVENUES DE SOLUTION

Le manque de variétés de blé de qualité, associé à une résistance à la fusariose était et demeure encore le maillon faible dans ce secteur.

La qualité du blé livré aux centres régionaux et, encore plus important, la qualité variable et la non-uniformité des lots de blé panifiable livrés aux minoteries, créent un climat d’insécurité auprès des acheteurs.

La teneur en protéine, le % de grains fusariés (production de vomitoxine), le poids spécifique et l’indice de chute de Hagberg (mesure de la germination invisible) sont les 4 critères de base à évaluer dans les centres régionaux avant d’avancer plus loin dans la qualité boulangère de nos blés.

Le grand nombre de variétés ou types de blé de semence certifiée sur le marché apporte encore aujourd’hui de la confusion car les minoteries effectuent des mélanges sur une base régulière pour équilibrer la qualité de leurs farines destinées à différents marchés.  Le marché du blé à pain est le plus important et on doit séparer les lots par variété et par teneur en protéine. 

 

 

 

Au tableau 2, on peut visualiser les besoins des minoteries en 1988 pour le blé produit de façon conventionnelle.  Cependant, il ne faut pas confondre le marché d’une part avec le besoin des minoteries qui couvrent la majorité de leurs besoins avec des blés roux de l’Ouest Canadien.  Le marché du blé à pain biologique sera développé par un autre conférencier lors de ce colloque.

Un autre élément important pour développer une culture nouvelle destinée à un marché existant, c’est l’assurance qualité pour les acheteurs.  Donc, on a mis en place en 1990 le Laboratoire de qualité des grains à Saint-Hyacinthe afin d’offrir le service d’évaluation de la qualité boulangère des lignées de blé issues de la recherche, soit Agriculture Canada à Sainte-Foy, le MAPAQ et l’industrie privée.  Cinq (5) variétés de blé panifiable ont été créées depuis 1992 au Québec par un chercheur d’Agriculture Canada à Sainte-Foy.

Ce laboratoire de qualité a depuis ce temps évalué des centaines d’échantillons de blé pour une clientèle très diversifiée.

5.   SITUATION ACTUELLE

Dans les 3 dernières années, le volume de blé d’alimentation humaine a varié de 40 000 à 45 000 tonnes de 1999 à 2001 selon les intervenants . Ces données considèrent tout  blé qui finit par passer  dans un mélange destiné à l’alimentation humaine et dont le prix diffère du blé fourrager.

Depuis près de 4 ans, le développement du blé panifiable est basé sur 3 variétés :  AC BARRIE,
AC VOYAGEUR et AC BRIO et un nombre important de variétés de blé destiné à des marchés spécifiques autres que le pain ou des mélanges de lots à différentes teneurs en protéine ou autres ctitères relatifs à la qualité ( indice de chute…)

La  venue du blé panifiable biologique ou écologique depuis près de 3 ans pour des volumes de 500 à 1000 tonnes annuellement à des prix très intéressants pour le producteur, devient une opportunité inévitable. Les normes de qualité boulangère sont les mêmes pour le marché biologique. 

6.  PERSPECTIVES DE DÉVELOPPEMENT

Dans le blé cultivé de façon conventionnelle, il sera toujours difficile d’arriver à un volume important, car d’autres cultures comme le maïs grain et la fève soya sont plus rentables  et demeurent des premiers choix pour les céréaliculteurs. Par ailleurs,  les acheteurs de blé sont exigeants du côté qualité et ils ont raison.  Il faut dire également que les prix du blé stagnent à cause d’inventaires de blé très importants un peu partout dans le monde.

Au Québec, notre volume se situant aux environs de 40 000 à 45 000 tonnes, on couvre à peine 7 à 8 % des besoins québécois et c’est en soi problématique.  L’agence de mise en marché du blé est en train de s’installer et nous verrons son efficacité à l’usage.

La demande de blé à pain biologique beaucoup plus élevée que l’offre, alors la route est ouverte.Le blé panifiable biologique devient la seule issue intéressante pour augmenter notre revenu net par hectare (350 à 425 $/tonne) et en même temps combler la demande des consommateurs qui y voient un aliment de plus grande qualité.  La régie de production est plus difficile mais rémunératrice à la fin du processus.  On doit prévoir une récolte hâtive lorsque le grain a une teneur en eau se situant entre 16 et 20 % et par la suite il faudra conserver le blé à 13,5 % H.R. pour éviter la production de toxines.

On doit également penser en terme de céréales d’alimentation humaine et non seulement de blé car dans nos systèmes de production végétale de type biologique ou conventionnel, la rotation des cultures peut inclure la fève soya, le maïs grain et d’autres céréales (seigle, orge, avoine, sarrasin et autres protéagineuses) et il faut réussir à se doter de systèmes de production intéressants et aussi combler la demande des consommateurs.  Le Québec peut vraiment produire des grains biologiques ou écologiques et être le « LEADER » dans ces différents marchés ou créneaux spécifiques.  Cependant, en culture biologique, on rencontrera les mêmes problèmes de récolte et de conservation des grains que dans la production avec intrants, il faudra devenir plus alerte dans notre régie, et livrer un grain de qualité conforme aux normes de qualité boulangère dans le blé le cas échéant ou pour d’autres caractéristiques dans les autres cultures.  Notre qualité sera notre force si on est vigilant.


 

TABLEAU  1 :    

 

 

 

 

PRODUCTION DE BLÉ D’ALIMENTATION HUMAINE

AU QUÉBEC

1987

 

 

TYPE
DE BLÉ

SUPERFICIE

HA

RENDEMENT

T.M./HA

PRODUCTION

T.M.

PRODUCTION ACCEPTÉE PAR LE MARCHÉ 
T.M.

Blé roux

 

 

 

 

            Katepwa

21 370

 

 

 

 

24 570              2,83

69 475

66 000

            Columbus

3 200

 

 

 

            Max

   8 420 *

2,93

24 750

23 500

            Monopol

1 600

3,29

5 260

5 000

Blé blanc

 

 

 

 

            Toutes variétés

3 330

3,35

11 170

10 055

TOTAL :

37 920

2,92

110 555

104 555 **

Préparé par : Richard Morin, agr. coordonnateur du secteur - MAPAQ

 

 

 

 

 

  :      Taux de semis :  190 kg/ha en 1987

 

** :        Les minoteries ont accepté près de 7 000 tonnes de blé ANKRA destinées à la production de
farines intermédiaires; d’où des réceptions de plus de 110 000 à 112 000 tonnes

 

 

 

 

 

TABLEAU  2 

 

 

ÉVOLUTION DES PRODUCTIONS DE BLÉ AU QUÉBEC

DE 1980-1981 À 2001-2002

 

 

Année
récoltée

SUPERFICIE

RENDEMENT

PRODUCTION

Ensemencée restante en juin
(ha)


Récoltée
(ha)



(tm/ha)



(tm)

1980-81

42 700

42 700

2,92

124 800

1981-82

40 900

40 900

2,92

119 500

1982-83

32 000

32 000

2,91

93 000

1983-84

30 000

30 000

2,73

82 000

1984-85

37 000

37 000

3,24

120 000

1985-86

47 000

47 000

3,49

164 000

1986-87

53 600

53 600

3,10

166 000

1987-88

61 800

61 800

2,81

173 500

1988-89

59 800

59 800

2,62

156 500

1989-90

52 500

44 500

3,10

138 000

1990-91

53 000

48 600

3,13

152 000

1991-92

37 461

37 461

2,88

107 800

1992-93

38 000

36 200

3,33

120 500

1993-94

39 200

38 200

2,98

113 900

1994-95

41 800

41 300

2,54

105 100

1995-96

35 900

35 900

2,77

99 400

1996-97

34 661

33 500

2,76

92 500

1997-98

26 800

26 100

3,13

81 600

1998-99

24 600

24 600

2,87

70 500

1999-00

23 700

23 700

3,00

71 100

2000-01

28 600

27 100

3,28

88 800

2001-02

37 200

36 700

3,19

116 900

 

Source :  Institut de la statistique du Québec, Denis Belzile

TABLEAU  3

ÉVOLUTION DE LA COMMERCIALISATION DU BLÉ

D’ALIMENTATION HUMAINE AU QUÉBEC

DE 1989-1990 à 2000-2001

 

 

ANNÉE-RÉCOLTE

PRODUCTION COMMERCIALISÉE
Tonnes

1989-90

72 503

1990-91

65 032

1991-92

36 390

1992-93

52 563

1993-94

58 876

1994-95

55 313

1995-96

49 728

1996-97

33 000

1997-98

24 894

1998-99

17 329

1999-2000

16 541

2000-2001

10 669

 

Source :  Institut de la statistique du Québec, Denis Belzile

 

 

On peut exprimer des réserves relatives à ces données car de 1999 à 2001, les volumes oscillent entre 40 000 et 45 000 tonnes annuellement.

 

 


TABLEAU  4

 

BESOINS DES MINOTERIES  -  RÉVISÉ  -  ENQUÊTE  MAI 88

 

 

BESOINS EN T.M. *

UTILISATION

Blé roux panifiable
            (blé dur) et semi-dur
            (printemps et hiver)

520 000

pain, pizza et gluten

Blé blanc d’hiver
            (blé mou)

70 000

gâteaux, pâtisseries, biscuits

Blé Durum
            (dur ambré)

Blés utilisés

 

70 000

Pâtes alimentaires

 

farines intermédiaires

TOTAL :

660 000

 

 

Source :  les minoteries

 

 

* :        Les quantités peuvent varier selon la demande des boulangeries et autres clientèles ainsi
            que l’obtention de contrats d’exportation de farine de l’A.C.D.I. aux pays éligibles.

 

 

 

En 2001, ces données sont encore relativement valables.