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La démystification du bonus au rendement en production de fraises

L’importance du coût de main-d’œuvre sur les entreprises maraîchères est de plus en plus discuté et c’est une bonne chose. La sortie du rapport Forest Lavoie Conseil de 2017 sur l’impact de la hausse du salaire minimum et l’augmentation de ce salaire ont certainement contribué à cela. Les producteurs, qui font venir des travailleurs étrangers temporaires payés à l’heure, mettent tranquillement en place des méthodes de rémunération bonifiant le salaire minimum offert aux cueilleurs de petits fruits, et ça aussi c’est une bonne chose. Il importe pourtant de se poser les bonnes questions avant de mettre en place une telle méthode.

À prime abord, il semble instinctif de donner un bonus au rendement qui récompense les meilleurs cueilleurs en leur donnant un montant par boîte récoltée au-delà d’une certaine vitesse de cueillette. Par exemple, on donnerait 0,50$ par boîte cueillie à tous ceux qui cueillent plus de 2,5 boîtes par heure.



L’effet sur l’augmentation de vitesse de cueillette de cette méthode est probablement positif, quoi que difficilement mesurable. En effet, comment savoir à quelle vitesse les travailleurs auraient travaillé dans les mêmes conditions s’ils n’étaient pas motivés par le bonus. Par contre, les producteurs qui ont testé cette méthode sont quasiment unanimes : la vitesse de travail augmente quand on donne un bonus au rendement. Objectif atteint? La réponse est plus complexe que ça. Cette technique de rémunération cause aussi des effets pervers. On pense notamment à l’augmentation de la vitesse de cueillette qui occasionnerait une diminution notable de la qualité des fruits récoltés et du nettoyage du champ pendant la récolte. Aussi, il y aurait une diminution de l’entraide entre les travailleurs, par exemple lorsque vient le moment de terminer la cueillette d’un champ pour passer au prochain, ce qui peut avoir un réel impact sur le coût de la main-d’œuvre. Un autre aspect négatif qui a été observé est une démotivation des moins bons cueilleurs qui, sachant qu’ils n’atteindront jamais le bonus, diminuent leur vitesse de cueillette. Cela peut même aller jusqu’à estomper l’impact de l’augmentation de vitesse des meilleurs cueilleurs.  



Gregorio Billikopf, doctorant en ressources humaines en agriculture à l’Université de Davis en Californie, introduit le concept de la paie pour l’effort. Il s’agit du salaire total par heure de travail, soit le salaire horaire bonifié d’un montant par boîte divisé par la quantité moyenne de boîtes de fraises récoltées dans une journée. Dans le tableau ci-dessous, où est présenté la paie pour l’effort en fonction du rendement à l’heure, le seuil est de 2,50 boîtes par heure pour avoir accès au bonus et le bonus est de 0,50 $ par boîte supplémentaire.
 
Tableau 1. Paie pour l’effort par boîte récoltée avec un bonus de 0,50 $ par boîte au-delà du seuil de 2,5 boîtes par heure en fonction de la quantité de boîtes cueillies à l’heure.
Boîtes / h Salaire horaire ($/h) Boîtes bonus Bonus ($) Salaire horaire et bonus ($) Paie pour l'effort ($)
1 11,25 0 0 11,25 11,25
1,5 11,25 0 0 11,25 7,50
2 11,25 0 0 11,25 5,63
2,5 11,25 0,50 0,25 11,50 4,60
3 11,25 1,00 0,50 11,75 3,92
3,5 11,25 1,50 0,75 12,00 3,42
4 11,25 2,00 1,00 12,25 3,06
Source : Billikopf, 2008.
 
Plus un cueilleur est rapide, moins son revenu par boîte est grand, bien que son revenu total soit plus grand. L’incitatif est donc de plus en plus petit quand la quantité de boîtes de fraises récoltées à l’heure augmente. Bref, selon Billikopf, la paie au rendement n’est pas la solution idéale, car plus un cueilleur est rapide, moins son incitatif à cueillir plus rapidement est grand. 

Ce sont ces impacts négatifs d’une rémunération bonifiée au rendement qui ont convaincu, durant les dernières années, une bonne partie des producteurs qui utilisaient cette méthode à l’abandonner. En 2017, la majorité des producteurs de fraises et de framboises payaient leurs travailleurs à l’heure seulement, et ce, par défaut d’avoir trouvé une méthode qui convient mieux à leurs besoins. Il importe donc d’être prudent quand une entreprise prend la décision de rémunérer autrement ses cueilleurs pour éviter de répéter les erreurs du passé.

En ce sens, différents critères sont à considérer pour développer une méthode de rémunération qui motive adéquatement les cueilleurs. Ils sont regroupés dans le tableau ci-dessous.
 
Tableau 2. Critères à considérer pour mettre en place une méthode de rémunération chez les cueilleurs de fraises et de framboises
Pour l’employeur Pour l’employé
  • Facile à comprendre
  • Peu de temps de gestion
  • Tenir compte de la qualité des fruits récoltés et de la qualité des rangs de fraises post-récolte
  • Avantageuse financièrement
  • Affecter tous les employés
  • Inclure une motivation financière
 
 
 
En résumé, du côté de l’employeur, comme la main-d’œuvre est déjà un poste de dépense très important, il faut s’assurer, si la méthode de rémunération est un bonus, c’est-à-dire qu’elle est un surplus au salaire horaire normal, que la mise en place d’une telle méthode est avantageuse pour l’entreprise. De fait, une augmentation de la masse salariale doit toujours avoir comme répercussion une augmentation des revenus pour l’entreprise.  Puis, pour que la qualité soit prise en compte, il faut avoir un moyen de contrôler et d’évaluer les deux types de qualité.
 
Du point de vue des travailleurs, d’autres critères sont à respecter pour que la méthode de rémunération soit efficace. Il faut que tous les travailleurs, les plus rapides et les moins rapides, soient affectés par la méthode pour éviter que certains soient démotivés. Ensuite, il ne faut pas oublier que le plus grand motivateur pour les travailleurs étrangers est l’argent : ils viennent au pays seulement pour cela. Selon Alain Bélisle, directeur des ressources humaines à l’Union des producteurs agricoles, l’élément motivateur le plus fort pour un travailleur donné est toujours l’argent quand ce dernier se déplace sur un lieu de travail loin de sa résidence pour une période donnée.
 
Bref, l’instauration d’une méthodologie de rémunération n’est pas simple, mais les résultats peuvent être ce qui fait la différence pour une entreprise. Avec un pourcentage de charges de 55% pour le coût de main-d’œuvre, une petite augmentation de vitesse diminue grandement le coût de revient de chaque kilogramme récolté. N’oublions pas que ce qu’il faut viser, c’est de rémunérer l’effort de nos travailleurs.

Jasmine Sauvé, agr.
Gérante de ferme
Ferme horticole Gagnon
 
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Organisation : Ferme horticole Gagnon
Collaborateur(s) : Jasmine Sauvé
Date de publication : 18 juillet 2018

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