Inforum

Juin 2001 Volume 5, numéro 3
Laissons la science statuer sur le processus de prise de désicion relatif aux hormones utilisées dans la production de boeuf

D’où provient que l’Union européenne (UE) a une telle dent contre le bœuf produit en Amérique du Nord? Depuis 1989, l’UE entend maintenir son embargo contre l’importation de bœuf canadien à moins qu’il ne soit certifié exempt d’hormones de croissance, sceau du gouvernement à l’appui. L’UE prétend détenir des preuves scientifiques, et de nouveaux rapports devraient sortir cette année, décourageant l’utilisation des hormones de croissance dans l’agriculture animale, mais le fait est qu’en ce moment les évidences cumulées par la communauté scientifique à travers le monde pendant plus de 40 ans démontrent que l’embargo n’est pas justifié.

Pendant que le débat se poursuit, la sécurité des hormones de croissance demeure la préoccupation première de l’industrie de la santé animale et des producteurs d’animaux de consommation qui sont prêts à respecter l’embargo si – et seulement si – de nouvelles preuves appuyées par la communauté scientifique internationale démontrent que l’utilisation de ces produits est néfaste.

Depuis plus de 30 ans, les animaux de consommation sont soignés avec des hormones de croissance, au Canada et aux États-Unis, dans le but d’augmenter la capacité de l’animal à absorber les nutriments et à produire une viande plus maigre. À l’instar de pays comme les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud, le Mexique et le Chili, qui autorisent l’utilisation des hormones de croissance, Santé Canada a approuvé l’utilisation des hormones naturelles l’estradiol 17-ß, la progestérone et la testostérone ainsi que des hormones synthétiques le zéranol, l’acétate trenbolone et l’acétate melen-gesterol (AMG). À l’exception de l’AMG, les hormones approuvées peuvent être administrées seules ou combinées entrant dans la composition d’implants sous-cutanés. L’utilisation de l’AMG est approuvée comme additif alimentaire et pour prévenir les cycles de chaleur des génisses. L’utilisation de ces produits a donné lieu à l’augmentation du taux de croissance des bouvillons de 10 à 30%. Chez les génisses, l’impact est moindre, et chez les mâles, la croissance demeure minimale même si le dépôt de gras est plus élevé.i

L’estradiol étant reconnue comme une hormone cancérogène, les hormones de croissance ont fait l’objet d’innombrables études scientifiques entreprises par divers centres de recherche un peu partout dans le monde. L’innocuité du bœuf canadien étant une priorité pour l’industrie de la santé animale, nous tenons compte des faits avec une grande minutie. Voici un résumé de la situation :

Santé Canada impose des normes de sécurité rigoureuses avant d’autoriser la vente ou l’utilisation d‘un produit au Canada et la conclusion d’une révision des hormones de croissance destinées au bétail n’est complétée qu’une fois ces points essentiels vérifiés:

• Pas de résidu nuisible dans les tissus comestibles

• Pas d’effet toxique pour l’animal

• Pas de répercussion physiologique chronique

• Pas de risque mutagène ou cancérogène

• Pas d’effet inattendu sur la production ou la santé

• Performance de qualité consistante et satisfaisante dans les tests à répétition

La Commission du Codex Alimentarius (le Codex) est l’agence de réglementation qui joue un rôle clé dans l’implantation des normes internationales par rapport aux résidus de médicaments vétérinaires autorisés dans les aliments et qui a pour mission de protéger les consommateurs et de soutenir l’industrie. En 1999, le Codex livrait ses recommandations sur l’apport quotidien acceptable (AQA) relatif aux hormones. La concentration des limites maximales de résidus (LMR) n’a pas été spécifiée. En se basant sur les données disponibles, le Codex a conclu que la présence de résidus médicamenteux ne présente aucun danger pour la santé humaine.ii

Après l’implantation de ces normes de sécurité, l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) a condamné l’embargo de l’UE, en 1997, à la suite d’une plainte présentée par le Canada et les États-Unis l’année précédente. La cause ayant été portée en appel, l’OMC renouvelait sa condamnation en 1998 pour absence de preuves de la part de l’UE pouvant soutenir sa position. Par la suite, un tribunal de médiation déclarait l’embargo contraire à la loi sur le commerce international, perçu comme une barrière protectionniste artificiel plutôt qu’une mesure visant à protéger la santé humaine.iii

Tous les aliments contiennent des hormones de source naturelle. Certaines plantes, comme le chou et le soya, contiennent plus d’hormones qu’une portion de bœuf provenant d’un animal soigné aux hormones, et la dose quotidienne d’un contraceptif oral contient 2 500 fois plus d’hormones. Le corps humain produit des hormones en quantité encore plus grande. Selon l’agence américaine Food and Drug Administration " l’apport (additionnel) d’hormones naturelles ingérées dans la viande consommée représente une fraction infime de ce que notre corps produit naturellement. Même le consommateur, qui mange de la viande provenant d’un animal n’ayant pas été soigné aux hormones, en absorbe parce que tous les animaux produisent des hormones de façon naturelle. Le corps humain produit 15 000 fois plus d’estradiol en un jour qu’il en absorbe en consommant un demi-kilo de viande provenant d’un animal traité, et une femme en produit des millions de fois plus. Il en est de même pour la testostérone et la progestérone. "

L’UE se contredit dans ses propres études. En 1981, un Groupe de travail scientifique a été formé pour étudier l’utilisation de cinq hormones de croissance distinctes et en évaluer le potentiel de risque sur la santé. Respectant les protocoles mis en vigueur par la Communauté économique européenne pour tester les produits pharmaceutiques vétérinaires, le groupe de travail a conclu que les hormones " (…) ne présentent pas de risque pour la santé du consommateur aussi longtemps qu’elles sont utilisées en conformité avec le mode d’emploi pour activer la croissance dans les fermes. " À titre individuel, le même groupe de chercheurs entreprenait une étude sur deux hormones synthétiques, en 1987, et concluait que " les niveaux de trenbolone, de zéranol et leurs métabolites essentiels repérés dans les tissus comestibles, conformément aux pratiques d’élevage acceptées, sont bien en dessous de la dose d’activité hormonale relevée dans le système animal et de ce fait ne présente aucun effet nocif pour la santé. " Les observations étaient par la suite entérinées par d’autres experts de la communauté internationale. iv

En 1995, l’UE était une fois de plus discréditée, à l’intérieur même de ses frontières, par la Conférence scientifique de la Communauté européenne se réunissant autour de la question des hormones de croissance. Les conclusions de la Conférence étaient qu’il n’y avait aucune évidence pouvant démontrer qu’un potentiel de risque sur la santé des consommateurs est associé aux hormones naturelles mâles et femelles utilisées pour activer la croissance. La conférence établissait également que les niveaux de résidus des hormones synthétiques zéranol et trenbolone administrées en doses suffisantes pour activer la croissance étaient bien en-dessous de la limite considérée sécuritaire et ne présentaient aucun risque potentiel pour la santé humaine. Malgré l’évidence de ces preuves scientifiques, l’UE refuse toujours de lever l’embargo.

Le débat se poursuivant ainsi, on craint que les réviseurs du Bureau des médicaments vétérinaires (BMV), Santé Canada, entrent dans la cadence. De fait, Dr Margaret Haydon, du BMV, a déjà critiqué publiquement Santé Canada dans la Gazette de Montréal, (le 7 janvier 2001), pour fermer les yeux face à l’utilisation des hormones et demande " pourquoi se retrouver avec des carcinogènes dans nos assiettes (faisant ainsi référence aux hormones contenues dans le bœuf) quand il n’y a aucun bénéfice à en retirer? " Mais le cri d’alarme du Dr Haydon sonne creux quand on sait qu’elle-même, en tant qu’experte scientifique, a déclaré que l’embargo canadien contre le bœuf du Brésil – qui se voulait une mesure temporaire de protection contre l’encéphalopathie spongiforme bovine - était en réalité une barrière commerciale et non une mesure pour protéger la santé humaine. Pendant qu’on débat la question, les Canadiens aimeraient avoir la certitude que nos agences gouvernementales sont prêtes à faire des pieds et des mains pour défendre le principe de la science comme base de notre processus de décision.

QUE RÉVÈLENT LES FAITS ?

1989

L’UE vote un embargo sur l’importation du bœuf de l’Amérique du Nord provenant de troupeaux traités aux hormones de croissance.

1995

La Conférence scientifique de la CE ne voit pas l’évidence d’un lien entre le risque sur la santé humaine et l’utilisation d’hormones naturelles pour activer la croissance, et conclut que les niveaux de résidus des hormones synthétiques sont sécuritaires.

1997

L’Organisation mondial du Commerce (OMC) condamne l’embargo de l’UE.

1998

La cour d’appel de l’OMC réitère sa condamnation sur la base d’un manque de preuves substantielles justifiant l’embargo; de plus, le tribunal d’arbitrage à l’OMC déclare que l’embargo brise les règles sur le commerce international.

1999

La Codex fait ses recommandations sur l’apport quotidien acceptable (AQA) des hormones naturelles et conclut que la présence de résidus chimiques dans la viande de bœuf ne présente aucun problème pour la santé humaine.

Pays qui ont approuvé la production de bœuf aux hormones :

Étas-Unis
Canada
Australie
Nouvelle-Zélande
Afrique du Sud
Mexique
Chili

L’AQA est calculé en fonction de la quantité de substances vétérinaires qui peut être ingérée par un corps humain chaque jour durant toute une vie sans menacer la santé. La LMR correspond à la concentration maximale de résidus provenant de médicaments vétérinaires qu’on peut retrouver dans les aliments à un niveau acceptable ou légalement permis selon les recommandations du Codex. Il arrive que la LMR soit accompagnée de points extraits du Manuel des bonnes pratiques dans l’utilisation des médicaments vétérinaires, qui est le code officiel ou recommandé, comme la période d’attente imposée par les autorités nationales.

(Selon Thompson, Sharon R. International Harmonization Issues. Veterinary Clinics America : Food Animal Practice. March 1999, Vol 15 No 1, pp185-195).

i. Preston, R.L., Current Status on the Use of Steroids for Growth Promotion in Cattle. Dept. Animal Science and Food Technology, Texas Tech University, Lubbock Texas.
ii. Orr, Rena. Growth-Promoting Hormones in Cattle.
iii. Ibid.
iv. Lamming, G.E. Scientific Working Group Reports on Anabolic Steroids in Animal Production. University of Nottingham, U.K.