Bovins du Québec, juin 1999, p. 15

Ensilement

Avez-vous la bonne technique?

Carole Lafrenière*, Robert Berthiaume**

L’ensilage est une méthode de conservation qui utilise l’acidification des fourrages. L’objectif est d’abaisser rapidement et suffisamment le pH par la fermentation lactique pour s’assurer que les micro-organismes indésirables ne puissent pas se développer. Pour ce faire, on fait travailler les bactéries lactiques présentes sur les fourrages. Ces bactéries produisent principalement de l’acide lactique à partir des sucres de la plante. Puisqu’il y a d’autres micro-organismes sur la plante, tout doit être mis en œuvre pour favoriser les bactéries lactiques.

L’oxygène, premier ennemi

L’oxygène est un gaz contenu dans l’air qui permet à la plante, lorsqu’elle est coupée, d’utiliser les sucres pour obtenir son énergie et continuer ses activités. C’est ce qu’on appelle la respiration. La respiration se poursuit tant et aussi longtemps qu’il y aura des sucres ou de l’oxygène. Les sucres sont nécessaires pour les bactéries lactiques lors de la fermentation, il faut donc que la respiration soit la plus courte possible tant au champ que dans le silo. Au champ, c’est par un préfanage rapide qu’on peut limiter la perte de sucres. Dans le silo, c’est par l’élimination rapide de l’oxygène. Il faut donc remplir et fermer rapidement le silo. Il faut s’assurer d’un bon compactage pour évacuer le maximum d’air emprisonné dans la masse de fourrage. La longueur de hachage, la matière sèche, la maturité de la plante et le type de silo jouent un rôle important sur le compactage. Plus le fourrage est haché court, plus le fourrage est jeune et plus la matière sèche est faible, plus le compactage est facilité. En pratique, la longueur de hachage est un compromis entre les besoins pour l’ensilement (compactage, type de silo et écoulement des jus) et ceux des animaux pour la rumination. Pour l’ensilage de balles rondes en boudins, il faut porter une attention particulière à ce que les balles soient bien compressées les unes sur les autres pour ne pas qu’il y ait des poches d’air entre les balles.

Lorsque la plante respire, il y a aussi production de chaleur, ce qui augmente la température dans le silo. Les bactéries lactiques sur les plantes travaillent bien lorsque la température dans le silo est autour de 25-30oC. Lorsque la température dépasse ce seuil, ce sont les bactéries butyriques et les entérobactéries ( bactéries productrices d’acide acétique ) qui sont favorisées. Lorsque la température est supérieure à 40oC, ce sont les moisissures qui sont favorisées surtout si la matière sèche est élevée ( > 40% ).

Lorsqu’il n’y a plus d’oxygène, les compartiments des plantes qui contiennent les sucres éclatent. C’est à ce moment que la production efficace d’acide lactique commence. La disponibilité des sucres varie selon la finesse de hachage des fourrages. C’est ce qui explique la fermentation plus lente de l’ensilage de balles rondes parce que les fourrages ne sont pas hachés. C’est pourquoi il est recommandé d’ensiler les fourrages en balles rondes avec une matière sèche variant de 40 à 50%. La diminution rapide du pH est importante pour empêcher les autres micro-organismes nuisibles de se développer en nombre trop important et pour limiter la protéolyse ( solubilisation de l’azote ).

Une fois la fermentation terminée, il faut encore se préoccuper de l’oxygène. Certains micro-organismes comme les moisissures n’ont besoin que de très peu d’oxygène pour se développer. Il faut s’assurer que les conditions anaérobies ( sans oxygène ) soient maintenues. Les silos horizontaux, les silos-meules et les balles rondes sont plus vulnérables. Il est important que ces silos soient inspectés régulièrement pour en obstruer les perforations avec un bon ruban adhésif. Un bon compactage, une distribution uniforme des fourrages et une bonne consolidation lors de l’ensilement permettent de limiter la diffusion d’oxygène trop profondément.

Lors de l’ouverture du silo, l’air peut s’infiltrer de nouveau. Les micro-organismes demeurés latents peuvent se développer. Pour diminuer les risques de chauffage à la reprise, la stratégie débute lors de la mise en silo. Le délai entre le remplissage et la fermeture du silo doit être le plus rapide possible pour empêcher le développement des micro-organismes aérobies. Durant l’entreposage, il faut éviter les infiltrations d’air. Une bonne compaction et une bonne distribution du fourrage lors de l’ensilement est aussi nécessaire pour limiter l’infiltration de l’air trop profondément dans le silo lorsqu’il est ouvert. Le silo doit être proportionné selon le troupeau pour que le prélèvement soit important par rapport à la surface exposée.

Les bactéries butyriques, deuxième ennemi

Il n’y a pas de bactéries butyriques sur les plantes. Ces bactéries proviennent du sol que l’on introduit dans le fourrage lors des différentes opérations de récolte et d’entreposage. Ces bactéries sont nuisibles parce qu’elles peuvent utiliser l’acide lactique et faire remonter le pH. Dans ces conditions, les bactéries butyriques et d’autres micro-organismes peuvent dégrader davantage la protéine et produire des substances qui diminueront l’ingestion. Pour empêcher les bactéries butyriques de se développer il faut que le pH soit inférieur au seuil critique déterminé par un niveau de matière sèche donné. Un pH de 4,0 devrait être visé pour des ensilages humides ( MS < 35% ) et un pH de 4,5 pour des ensilages plus préfanés ( MS > 35% ).

Tout commence à la récolte

Un bon ensilage commence par la récolte d’une plante avec une valeur nutritionnelle élevée. Pour conserver cette valeur nutritionnelle, le producteur doit optimiser sa technique d’ensilement selon les fourrages utilisés et son type de silo. Bien qu’il soit possible de faire de l’ensilage sans additif, toutes les conditions favorables à l’ensilement ne sont pas toujours réunies. L’utilisation d’additifs à ensilage peut alors être nécessaire. Toutefois, les additifs ne remplaceront jamais une technique d’ensilement déficiente.

* agronome, chercheure, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Kapuskasing

** chercheur, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Lennoxville

Source : Colloque sur les plantes fourragères, 17 et 18 novembre 1998, CPVQ.