Bovins du Québec, avril 1999, page 24

Les Provost optent pour un troupeau de vaches croisées

Denise Proulx

Composée d’un cheptel de 27 vaches et veaux d’embouche de races croisées et de Simmental pur-sang, la ferme de Christian Provost et de Linda Gaudreau s’impose comme un modèle au Québec. Multidisciplinaire, la ferme située à Huberdeau, à quelque 20 kilomètres de Mont-Tremblant, est la seule des Hautes-Laurentides à être inscrite dans le Guide des Agricotours. On y élève aussi des chevaux, des chèvres, des lapins et des volailles et organise de nombreuses visites à la ferme, fort prisées par les touristes européens, durant la saison estivale.

L’insémination artificielle leur a évité des pertes considérables

La ferme est inscrite au PATBQ et elle fait entièrement appel à l’insémination artificielle pour assurer la reproduction du troupeau. " On va chercher des races de taureaux qui favorisent la naissance de veaux plus petits et qui donnent des vaches plus douces, meilleures productrices de lait et plus résistantes aux maladies " explique Mme Gaudreau.

Gardés en pâturage l’été et nourris de foin, d’ensilage et de drêche de bière en hiver, les nouveau-nés passent une année complète sur la ferme avant d’être vendus à l’encan ou à des particuliers. Membre de l’Association des éleveurs pur-sang de l’Outaouais, les Gaudreau-Provost envoient les jeunes taureaux pur-sang Simmental à la station d’épreuve génétique de Luskville, près d’Aylmer. Les génisses qui présentent la meilleure performance sont gardées pour l’amélioration du troupeau.

Partir à zéro

Satisfaits de l’évolution de la ferme, Christian Provost ne cache pas toutefois que s’il avait su dans quelle aventure il se lançait avec sa compagne, lorsqu’il a acheté la terre paternelle il y a huit ans, il y aurait repensé à deux fois!

Installés dans leur maison encore en construction avec leur jeune bébé, les Gaudreau-Prévost doivent faire face à une dure réalité, dès le départ. Les vaches, vieillissantes, malades ou blessées par les nombreux débris qui jonchaient le sol des pâturages sont agressives, craintives et fort peu productives. La terre de 406 acres montre des signes de carence grave. Les champs avaient été abandonnés sans labour pendant 25 ans et avaient été piétinés par une centaine de chevaux et de vaches laissés en pâturage sans surveillance ni enclos. Au premier hiver, la grange s’écroule. Puis, comme si cela ne suffisait pas, le moulin à scie, qui avait servi à faire vivre la nombreuse famille Provost, est détruit par un incendie.

" Il a fallu recommencer à zéro. On a réalisé que les vaches n’avaient jamais été une priorité pour mon père. Nous avons dû refaire le troupeau au complet en deux ans, pour réussir à avoir quelques revenus " raconte M. Provost.

Une formation qui rapporte

Linda Gaudreau s’inscrit à de la formation pendant que son mari travaille à l’extérieur. M.Provost suit des cours intensifs de fin de semaine. " J’ai pris un premier cours par correspondance, portant sur les bâtiments et la construction de corrals. Ça a été notre premier investissement et il s’est avéré fort efficace " raconte-t-elle. Suivent des cours de prévention, d’alimentation, de génétique, de soins vétérinaires. Un choix judicieux qu’elle ne regrette nullement. " Avec le corral, nous avons appris à observer les vaches et à travailler avec elles sans avoir recours au bâton. Elles sont moins craintives et nous sommes en mesure de découvrir rapidement celles qui ont des problèmes " dit-elle.

Un contrôle de gestation efficace

Peu habiletés à commercer, les Gaudreau-Provost apprennent à leurs dépens que la qualité du taureau peut faire toute la différence, lorsqu’il s’agit d’améliorer la génétique d’un troupeau. " C’est ce qui nous a amené malgré nous, en 1993, à opter pour l’insémination artificielle " ajoute Christian Provost.

Il estime que les rapports du Centre d’insémination artificielle du Québec (CIAQ) lui fournissent des conseils judicieux pour le choix des meilleurs taureaux en fonction des performances de la vache et de la destinée future des rejetons : femelles de remplacement ou animaux d’engraissement. Tous les outils disponibles sont exploités sur la ferme comme le démontre leur adhésion au PATBQ. " On a dû se débattre pour faire inscrire le nom de nos vaches sur les formulaires, surtout celles croisées qui étaient considérées moins importantes. Le PATBQ nous permet de voir et d’analyser les performances de chaque vache comme le gain de poids des veaux et la productivité de la vache. C’est ce qui nous a amenés à la rentabilité ".

De grands efforts sont aussi consacrés à l’amélioration des champs. Huit enclos ont été construits et les animaux y pâturent en rotation. Un système d’alimentation en eau est en voie d’être complété pour cesser l’abreuvement des animaux directement au cours d’eau. L’environnement est au cœur de leurs préoccupations car des arbres ont été plantés le long de la rivière Rouge servant à mieux contrôler l’érosion du sol.

Un travail de longue haleine

Les Gaudreau-Provost se donnent encore cinq ans avant d’arriver à une totale autosuffisance. Leur objectif est d'augmenter leur troupeau à 45 têtes. " Le MAPAQ nous a suggérés de grossir rapidement. Mais, tant que les champs ne produiront pas tout le foin dont nous avons besoin, nous avons réalisé que ce n’est pas payant " dit Christian Provost. Pour y arriver, les sols sont labourés et Linda Gaudreau songe sérieusement à acheter plus de chèvres, qui brouteraient tout ce que les vaches ne mangent pas dans les pâturages, tout en éloignant les loups.

Enfin, il y a la coupe de bois mais surtout les visites à la ferme qui prennent de plus en plus d’importance et qui s’avèrent une manne inespérée. " Notre investissement dans l’agrotourisme nous amène des revenus d’appoint qui peuvent servir à améliorer les champs plus rapidement. Il reste tellement à faire " conclut-elle.