Bovins du Québec, Avril 2000, page 13.

Pour un bœuf plus tendre

Anne-Marie Christen*

Le persillage, le gras contenu dans la viande, a longtemps été associé aux qualités gustatives de la viande - tendreté, jutosité et saveur. C’est pourquoi les systèmes de classification sont basés sur ce critère. Or, selon les études, le persillage expliquerait seulement 10 % de la variation de la tendreté. Cette dernière est affectée par la quantité de tissus conjonctifs retrouvés dans la viande, le gras et l’état des fibres musculaires. Tenter de mesurer tous ces caractères à la fois est très difficile. Toutefois, grâce à la recherche et la technologie, quelques moyens existent pour faire de votre steak, un festin.

Durant l’élevage

Mis à part la sélection génétique, peu de moyens sont présentement offerts aux producteurs pour augmenter la tendreté de leur produit. Récemment, des chercheurs de l’université de l’Oklahoma ont étudié une méthode toute simple, soit l’addition de vitamine D (0, 5 et 7,5 millions UI/tête/jour) à la ration des bouvillons entre cinq et dix jours avant l’abattage. Les résultats ont démontré une amélioration significative de la tendreté et, une diminution de l’ingestion pour certains niveaux de vitamine. Il est encore tôt pour revoir les rations alimentaires car la dose et le temps optimaux demeurent encore à évaluer.

Après l’abattage

Durant la période 0-24 heures après l’abattage, les muscles libèrent lentement leur énergie et le " rigor mortis " s’installe. La vitesse de cette conversion, de muscle à viande, a une grande influence sur la tendreté. Heureusement, plusieurs technologies post-mortem existent pour accroître ce paramètre désirable. On retrouve d’abord la suspension et le vieillissement des carcasses, deux techniques couramment utilisées par les abattoirs.

Certains auront recours à la stimulation électrique à faible ou haut voltage qui influence grandement les qualités de la viande : tendreté, saveur, couleur, persillage, durée de vie et cuisson. La stimulation de faible voltage est utilisée surtout pour les carcasses maigres (refroidissant rapidement) au moment du saignement de l’animal pour accélérer la perte d’énergie du muscle et la venue du rigor mortis. Elle empêche le durcissement de la viande par le froid. Le haut voltage est utilisé une heure après le saignement et son action est double : évite le durcissement par le froid et occasionne des dommages aux tissus internes ce qui attendrit la viande.

De nouvelles technologies commencent à poindre. On retrouve d’abord la " Tendercut " mise au point par des chercheurs de la Virginie et qui est une nouvelle méthode de suspension de la carcasse. Cette technique implique une incision de la carcasse très tôt après l’abattage au niveau de la 12/13e vertèbre thoracique. Cette incision transfert le poids de la carcasse sur les muscles des hanches et du dos où sont situées la majorité des bonnes coupes améliorant du même coup la tendreté.

Une autre technique d’attendrissement mise au point vers la fin des années 80 est l’injection d’une solution de chlorure de calcium (CaCl2) dans les coupes de viande. Cette méthode a été développée à un point tel qu’une procédure commerciale est maintenant disponible ainsi que les équipements nécessaires. Cette injection peut se faire jusqu’à 14 jours après l’abattage.

Une autre méthode, toujours à l’essai, est l’Hydrodyne qui consiste à faire subir à la viande des ondes de chocs provenant d’une explosion. Cette technique a le double avantage de détruire une partie des pathogènes. Brièvement, le principe consiste à immerger de la viande dans un réservoir d’acier contenant de l’eau et à y faire déclencher un explosif. Le prototype à l’essai peut contenir jusqu’à 600 lb de viande à la fois. Si les chercheurs mettent au point un appareil pouvant contenir davantage de viande, ils croient pouvoir le commercialiser d’ici deux ans, s’ils survivent…

Une dernière étude est celle du refroidissement ultra rapide. Traditionnellement, les carcasses sont refroidies lentement, c’est-à-dire que leur température ne doit pas descendre sous 10 C dans les 10 heures suivant l’abattage. Le refroidissement ultra rapide renverse les règles en exigeant une température de la carcasse de –1 C, cinq heures après l’abattage. Jusqu’à aujourd’hui, le mécanisme d’attendrissement provoqué par ce refroidissement rapide n’est pas encore connu. Toutefois, si cette technique franchit les portes des laboratoires, elle a comme potentiel de réduire les coûts de refroidissement et de vieillissement des carcasses et de limiter la prolifération des bactéries tout en attendrissant la viande.

Le consommateur

Le consommateur peut s’assurer d’une viande plus tendre en choisissant bien son produit. La viande d’un jeune animal sera plus tendre car elle contient moins de tissus conjonctifs et d’élastine. Mais le steak n’a ni cheveux blancs, ni rides pour nous dévoiler son âge. Il faut donc se fier aux catégories AAA, AA ou A qui assure la tendreté reliée au jeune âge. Les coupes de catégorie AAA sont les plus recherchées des consommateurs car elles sont les plus tendres.

La tendreté du muscle varie selon l’endroit de la carcasse d’où provient la coupe. Il est aussi important de faire un bon usage des modes de cuisson et des températures. Chaque coupe de bœuf peut être préparée de façon à offrir plus de tendreté. Le consommateur aura un maximum de tendreté en achetant des coupes telles les biftecks de faux-filet, contre-filet et d’aloyau, le filet ou encore, le bas et le haut de surlonge. Par contre, il ne faut pas s’attendre à couper la viande à la fourchette si on achète une pointe d’épaule ou un bœuf à ragoût car ces coupes contiennent beaucoup de tissus conjonctifs. Le boucher peut aussi attendrir la viande mécaniquement au moyen d’aiguilles ou de lames.

Malgré les moyens existants, encore beaucoup est à faire pour améliorer la tendreté de la viande de bœuf et cette tâche ne revient pas qu’à un seul joueur. Pour gagner la partie, les joueurs auront besoin de se concerter pour mettre au point une stratégie globale faisant intervenir chacun d’eux.

* agr, agente de développement et de recherche, FPBQ

Sources : Centre d’information sur le bœuf, BEEF novembre 1998, Dr Jennifer Aalhus, Centre de recherche de Lacombe.