Bovins du Québec, juin 2000, p. 18

Les maladies du sabot

Dr Georges Paradis*

L’arrivée de l’été et la mise au pâturage signifient pour plusieurs un répit au niveau des soins quotidiens aux animaux. Une inspection quotidienne du troupeau est toutefois préférable. Un des problèmes souvent rencontré à cette période de l’année est l’apparition de douleur localisée aux sabots, de raideur et de boiterie. La rapidité de la détection du problème et une intervention appropriée permettent d’espérer une guérison rapide et sans séquelles.

Un animal avec une boiterie qui semble provenir du sabot ne fait pas automatiquement de l’infection, surtout s’il n’y a pas d’enflure présente. Il est donc déconseillé d’utiliser des antibiotiques sans avoir d’abord établi un diagnostic précis. En effet, certaines conditions sérieuses comme une fracture d’un onglon, peuvent parfois nécessiter un abattage d’urgence. Si l’examen détaillé du sabot n’est pas possible, et que la boiterie n’est que légère, il est préférable de mettre l’animal seul dans un petit enclos propre avec de la litière abondante pour 48 heures et de consulter votre vétérinaire s’il n’y a pas d’amélioration après ce temps.

Maladies infectieuses

Piétin

Aussi appelé " phlegmon interdigital ", il s’agit d’une infection nécrotique (c’est-à-dire avec mort des tissus) aiguë ou subaiguë qui origine d’une lésion de la peau de l’espace entre les onglons. L’infection est bactérienne et peut causer enflure, douleur, fièvre, baisse d’appétit, perte de poids, chute de la production de lait et boiterie sévère. Fusobacterium necrophorum se multiplie en l’absence d’oxygène et produit une mauvaise odeur caractéristique. Une plaie et une " carotte " apparaissent souvent après quelques jours, dans l’espace interdigital. L’isolement de l’animal pour cinq à sept jours est requis puisqu’il s’agit d’une maladie très contagieuse. Une partie importante du traitement est donc de bien nettoyer tous les tissus morts pour exposer la plaie vive à l’air et y appliquer une solution antiseptique ou antibiotique sans pansements.

Une nouvelle pénicilline longue action est maintenant approuvée en injection sous-cutanée dont l’effet est de trois jours, ce qui est suffisant dans la plupart des cas. Cette pénicilline a aussi une période de retrait moins longue que les anciennes pénicillines longue action. Il faut s’assurer, comme avec toutes les autres injections, qu’un maximum de 10 ml (ou cc) est injecté au même endroit et toujours au niveau du cou pour éviter de causer des cicatrices dans les muscles de plus grande valeur. Les tétracyclines longue action (un seul traitement) sont aussi un traitement efficace quoiqu’un peu plus cher. Les céphalosporines seront utilisées si l’animal risque d’être abattu à court terme, puisqu’il n’y a pas de retrait de viande.

Un vaccin très efficace est maintenant disponible sur le marché depuis quelques années. Si son coût paraît trop élevé, il devrait toutefois être sérieusement envisagé pour les taureaux et les animaux de plus grande valeur.

Dermatite interdigitale

La dermatite interdigitale est une infection bactérienne mixte qui cause une inflammation, une érosion et une ulcération superficielles sans boiterie dans la plupart des cas. Plus fréquente chez les bovins laitiers, elle reflète souvent de mauvaises conditions d’hygiène. Le traitement consiste à nettoyer les plaies et appliquer un antibiotique local seulement. Les bains de pied sont efficaces en prévention.

Dermatite digitale (piétin d’Italie, " strawberry disease ")

La dermatite digitale est une inflammation superficielle contagieuse du bulbe sous l’onglon qui entraîne une boiterie qui peut être sévère. Lorsque l’enflure est évidente, il y aura souvent des lésions irréversibles qui forceront la réforme de l’animal après des traitements coûteux. La cause exacte est encore inconnue mais un spirochète (bactérie) est soupçonné. Les troupeaux de boucherie se sont probablement contaminés à partir de troupeaux laitiers où la condition est plus fréquente. Les cas sont plus rares au pâturage.

Un bon débridement de la plaie et un antibiotique topique sont efficaces au début de la condition. Les cas plus sévères nécessitent des antibiotiques systémiques à forte dose. Un parage régulier et les bains de pied à base d’antibiotiques sont efficaces en prévention.

Érosion du bulbe (piétin d’hiver)

L’érosion est définie comme la perte irrégulière de la corne du bulbe au niveau du talon, souvent en forme de sillons obliques profonds. Cette infection bactérienne cause de la " pourriture " au niveau des talons. Cela réflète un environnement humide et non-hygiénique. Il faut parer toute la corne malsaine et appliquer un astringent ou un antibiotique local. Garder l’animal sur de la litière sèche.

Maladies non-infectieuses

Toutes les conditions listées ci-dessous peuvent éventuellement s’infecter et nécessiter l’utilisation d’antibiotiques systémiques, surtout si elles ne sont pas traitées à temps. Elles ne nécessitent généralement pas de bandage. La guérison est souvent accélérée par la pose d’un bloc en bois ou en plastique sous l’onglon sain pour enlever le poids sur la plaie. L’animal sera gardé en enclos propre pour limiter les déplacements.

Ulcère de sole

L’ulcère de sole est une lésion spécifique localisée à la jonction de la sole et du bulbe sous le sabot où il y a une hémorragie localisée et nécrose des tissus sous la corne. L’ulcère va apparaître suite à la fourbure due à une ration haute en concentrés ou en protéine. Un environnement accidenté (roches) peut faire " défoncer " la corne qui est déjà affaiblie par l’ulcère située en dessous. Le traitement consiste à parer la région affectée. Dépendamment de la sévérité, la guérison est souvent incomplète et l’animal sera éventuellement réformé.

Maladie de la ligne blanche

Elle est caractérisée par la désintégration de la jonction sole-muraille sous le sabot et la pénétration de saletés dans la fissure ainsi créée. Il faut drainer la fissure et enlever tous les tissus morts.

Fissure verticale (Sand Crack)

Il s’agit de fissures verticales à la jonction de la base du sabot et de la peau sur le dessus du sabot (surtout l’onglon latéral des membres avants). La cause n’est pas clairement définie. Il semble y avoir un lien entre la conformation (hérédité?), l’excès de poids, la déshydratation du sabot, la fourbure et les déficiences en éléments mineurs (zinc, cuivre, sélénium) et en biotine. Dans les cas sévères, il faut débrider les fissures et appliquer un bandage avec un astringent et un agent bactériostatique.

Sillons et fissures horizontales

Les sillons sont indicateurs d’un stress tel qu’un changement nutritionnel (ex : sevrage). Ils ne sont généralement pas douloureux. Les fissures horizontales sont souvent le résultat d’un onglon trop long. C’est très douloureux et il faut habituellement enlever la partie de la corne qui bouge et bander la plaie pour protéger l’extrémité de l’onglon.

Plaies traumatiques de la sole

La pénétration de la sole par un corps étranger (clou, morceau de bois) arrive de temps à autre. Il faut s’assurer que le corps étranger est complètement enlevé et que l’abcès est bien drainé en dégageant complètement la corne malade. Des antibiotiques systémiques peuvent être nécessaires si les tissus profonds sont attaqués.

Hyperplasie interdigitée

Causée par l’irritation chronique ou la dermatite de l’espace entre les onglons, il y a alors formation d’une excroissance de tissu fibreux solide. La conformation des onglons peut contribuer à ce problème (hérédité?). Seuls les cas sévères seront traités chirurgicalement et nécessitent une convalescence assez douloureuse de trois semaines.

Onglons en tire-bouchon

Ces onglons doivent être taillés régulièrement pour prévenir la déformation de la 3e phalange dans l’onglon et maintenir une posture adéquate. Il s’agit d’une condition héréditaire et les descendants ne devraient pas être gardés pour la reproduction.

* Consultant en médecine de production bovine

Clinique vétérinaire Saint-Thomas-d'Aquin