Bovins du Québec, décembre 2001-janvier 2002

Le colostrum : efficace, pratique et peu coûteux

Gilles Fecteau*

Pour prévenir les maladies, le colostrum a démontré son efficacité. Toutefois, des données québécoises montrent qu’au moins un tiers des génisses laitières pourraient bénéficier d’un meilleur transfert de l’immunité passive par une consommation adéquate de colostrum. Cette proportion est en accord avec des données américaines (National Animal Health Monitoring System) qui indiquent qu’un peu plus de 40 % des génisses laitières ne reçoivent pas suffisamment de colostrum. Qu’en est-il des veaux de boucherie?

Le transfert adéquat de l'immunité passive par le colostrum dépend de trois facteurs : le moment où il est consommé par le veau, la quantité offerte et la qualité du colostrum.

Dès les premières heures de vie

Le veau nouveau-né peut absorber les anticorps (immunoglobulines) du colostrum pendant environ 24 heures. Cette capacité diminue rapidement avec le temps. Il faut donc administrer le colostrum le plus rapidement possible. Idéalement, le premier repas doit être donné moins de deux heures après la naissance.

Environ 10 % du poids du nouveau-né

D'une manière générale, on recommande de donner une quantité de colostrum qui se situe autour de 10 % à 12 % du poids corporel du veau. Cette quantité étant trop importante pour être administrée en un seul repas, on pourra donc la fractionner et donner un deuxième repas environ six heures après le premier. Prenons l’exemple suivant pour déterminer combien de colostrum un nouveau-né doit recevoir pour améliorer son immunité passive et quand :

VEAU pesant 40 kg X 10 % = 4 litres de colostrum

1er repas : 2 litres, moins de deux heures après la naissance

2e repas : 2 litres, six à huit heures plus tard

Cette règle générale est vraie et fiable seulement si le colostrum est de qualité acceptable.

Plus il y a d’anticorps, mieux c’est

La qualité du colostrum se mesure d’abord à sa concentration en anticorps. La présence de microbes pathogènes ou d’autres constituants non désirables entre également dans l’évaluation de la qualité. Toutefois, dans cet article, nous nous attarderons à l’aspect immunologique.

Lorsque l’on réfère au colostrum pour ses caractéristiques immunologiques, on doit restreindre ce terme au lait de la première traite seulement. En effet, dès la deuxième traite, la concentration en anticorps a chuté considérablement. Plusieurs facteurs, telles la parité, la race et la vaccination, influencent la concentration du colostrum en anticorps. Phénomène très important, la concentration en anticorps augmente avec le nombre de vêlages. Il faut donc prêter une attention particulière aux veaux nés d’une taure. Leur offrir uniquement le colostrum de leur mère peut être insuffisant.

La meilleure façon de connaître la qualité du colostrum est d'évaluer sa concentration en anticorps en mesurant sa densité. En effet, il existe une relation directe entre la concentration en anticorps et la densité d'un colostrum. La densité minimale acceptable du colostrum est de 1,055, ce qui se traduit par une concentration d’environ 50 g/l. Pour connaître la densité, il faut utiliser un densimètre adapté à l’évaluation du colostrum (colostromètre ou colostrodoseur).

Pour que la mesure de la densité soit significative, le colostrum doit être à la température de la pièce. Si la densité est mesurée immédiatement après la traite, alors que le colostrum est à la température du corps, il faut utiliser un facteur de conversion permettant de corriger l’effet de la température.

Se constituer une banque de colostrum congelé

Dans une situation où la mesure du colostromètre indique que la concentration en anticorps est trop faible, il faut opter pour un colostrum plus riche afin d’optimiser les chances du veau qui vient de naître.

Le colostrum produit en grande quantité par certaines vaches peut être entreposé dans un congélateur standard (-18 °C à –25 °C). À ces températures, il se conserve pendant plusieurs mois, probablement même plusieurs années. Il est préférable de congeler le colostrum des vaches plus âgées car il est riche en anticorps et il constitue une meilleure défense contre plusieurs maladies.

Après avoir évalué sa qualité en mesurant son taux d’anticorps à l’aide d’un colostromètre, on entrepose le colostrum, de préférence dans des bouteilles d'environ un litre. Il faut éviter les contenants trop gros car la décongélation sera lente. La décongélation s’effectue en immergeant la bouteille dans de l’eau tiède.

Les anticorps étant des protéines, ils sont abîmés par la chaleur. Il est important que le colostrum ne soit pas exposé à des températures supérieures à 50 °C. Si le micro-ondes est utilisé pour le décongeler, il faut utiliser le mode spécial de décongélation.

Servez-vous-en!

Le colostrum demeure un allié hors pair dans la prévention des maladies des veaux. Comparativement à plusieurs produits pharmaceutiques, il présente également des avantages indéniables. Notons son faible coût, son efficacité reconnue par plusieurs études, son absence de risques ou de réactions adverses et la particularité de ne laisser aucuns résidus médicamenteux dans la viande. Un produit avec ces caractéristiques n’est-il pas tentant? Vous l’avez sous la main, il ne reste plus qu’à vous en servir!

* m.v., professeur agrégé, Département de sciences cliniques, Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal.

Nous remercions Le producteur de lait québécois pour nous avoir permis de reproduire cet article paru en mai 2001.