Bovins du Québec, décembre 2001-janvier 2002

Les veaux de taures

Un potentiel sous-utilisé

Pierre Desranleau*

Lorsque vient le temps de sélectionner les génisses qui seront gardées pour le renouvellement du troupeau, plusieurs éleveurs éliminent systématiquement les veaux de taures, lesquels sont généralement plus petits. Cette stratégie peut cependant produire des effets pervers à long terme puisqu’en sélectionnant principalement en fonction des performances de gain, on risque de ne retenir que les plus grosses génisses – souvent issues de taureaux de races terminales – qui produiront à leur tour des veaux plus gros à la naissance. Inévitablement, le poids moyen des vaches ira en s’accentuant de même que les frais reliés aux soins de plus gros animaux.

À titre d’exemple, mentionnons que les besoins d’entretien d’une vache adulte sont proportionnels à son poids et représentent 70 % des coûts d’alimentation. De plus, la fertilité risque d’être compromise puisque les femelles de plus grande ossature atteignent généralement la puberté à un âge plus avancé. Rappelons-nous que pour devenir une vache rentable pour l’éleveur, la génisse devra posséder les gènes qui lui assureront :

- la précocité sexuelle - essentielle pour un premier vêlage à 24 mois;

- la longévité - un veau par année pendant 8 à 10 ans;

- la productivité - nombre élevé de livres de veau sevré au coût le plus bas possible.

Alors, quel est le rapport avec les veaux issus de taures? Premièrement, le potentiel génétique est généralement plus élevé chez cette catégorie d’animaux qui ont deux générations d’avance sur les vaches adultes du troupeau. Deuxièmement, on ne profite pas suffisamment de la situation lorsqu’on utilise des taureaux de races maternelles (tableau 1) chez les taures.

Trop souvent, le seul but recherché est d’obtenir un veau de poids modéré à la naissance dont on se débarrassera au sevrage. Agissant de la sorte, nous nous trouvons à sacrifier un groupe de femelles possédant les gènes nécessaires au contrôle des poids de naissance et aux qualités maternelles supérieures sans oublier un format modéré à l’âge adulte qui permettrait de maintenir le type biologique du troupeau (taille et poids) à un niveau à la fois économique et efficace, tel qu’illustré par les photos.

Facilité de vêlage vs potentiel de croissance

Pour la majorité des éleveurs québécois qui ne possèdent en moyenne qu’une trentaine de vaches, le dilemme est de taille. À moins de pouvoir s’approvisionner en femelles de remplacement auprès d’un fournisseur de confiance ou de pouvoir s’offrir deux taureaux, le choix se limite à devoir utiliser un taureau à fort potentiel de croissance et risquer des troubles de vêlage chez les taures ou encore y aller avec un taureau engendrant de plus petits veaux à la naissance et accepter le fait qu’ils le seront aussi lors de la vente.

L’insémination artificielle : le meilleur des deux mondes

Grâce à ce moyen de reproduction, vous pourriez choisir d’utiliser en rotation deux ou trois races maternelles (ou mixtes) pour la saillie de vos taures et de vos vaches de deux ans, lesquelles produiraient vos femelles de remplacement. À partir de l’âge de trois ans, c’est-à-dire après le deuxième vêlage, toutes vos femelles pourraient être accouplées à un taureau terminal à forte croissance et musculature dont tous les veaux seraient destinés à l’engraissement (tableau 2).

À noter que des progrès récents en synchronisation permettent dorénavant l’obtention de taux de gestation élevés avec l’insémination à temps fixe sans qu’aucune détection de chaleur ne soit nécessaire. Ce sujet fera d’ailleurs l’objet d’un article dans un prochain numéro.

Les avantages obtenus à moyen et long termes par l’utilisation d’un tel système sont nombreux :

1. Diminution significative des problèmes de vêlage chez les taures grâce à l’utilisation de taureaux d’insémination reconnus pour ce caractère;

2. Vigueur hybride exploitée au maximum autant chez les vaches que chez les veaux;

3. Vaches de taille modérée, sans cornes (gène transmis par les races anglaises), fertiles et efficaces n’ayant pas de sang de races terminales dans leur généalogie;

4. Les vaches étant sans cornes et ce caractère étant dominant, l’éleveur peut utiliser un taureau terminal à cornes et quand même obtenir une majorité de veaux acères;

  1. Les vaches de trois ans et plus formant la plus grande partie du troupeau, on peut estimer que les ¾ des veaux mis en marché auraient un père de race terminale, contribuant ainsi à l’obtention de meilleurs prix;

6. Rencontre les besoins de l’industrie grâce à des veaux issus d’un croisement entre races anglaises et exotiques offrant la croissance, la musculature et le persillage désirés par le marché.

*DTA, Division bovins de boucherie, CIAQ

 

Croisement de races maternelles chez les jeunes femelles pour éviter les problèmes de vêlage et assurer la relève du troupeau. Ici, une taure Hereford et sa génisse croisée Angus rouge.

La totalité des vaches adultes étant saillies par un taureau de race terminale, on s’assure d’aller chercher le maximum lors de la vente des veaux (mâles et femelles). Ici, une vache Angus/Simmental et son veau Charolais.

 

 

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