Bovins du Québec, février 1999, page 15

Drêche de distillerie

Un " éthanol " de bon ajout à la ration

Rodrigue Grégoire*

Un sous-produit intéressant pouvant être éventuellement disponible pour les producteurs de bœufs québécois est la drèche de distillerie humide. Issue de la fabrication de l’éthanol, son potentiel alimentaire pour l’alimentation des bouvillons est considérable si on calcule une incorporation de 10 à 30 % des régimes. L’expérience effectuée au Centre de recherche et d’expérimentation de Deschambault, et financée partiellement par la Fédération, compare la performance de bovins recevant deux niveaux de drèche de distillerie en comparaison avec d’autres sources de suppléments protéiques utilisés pour complémenter un régime à base d’ensilage de maïs.

Description de l’essai

L’expérience, conduite avec 120 bouvillons mâles castrés à large ossature, s’est déroulée sur une période de 40 semaines, de novembre 1997 à septembre 1998. Les traitements étaient au nombre de six : tourteau de canola (T1) ; urée ajoutée à la ration au taux de 1,75 % (T2) ; urée ajoutée à l’ensilage de maïs au taux de 1,77 % de la matière sèche (MS) (T3) ; hydroxyde d’ammonium (NH4OH) ajouté à l’ensilage de maïs au taux de 3,0% de la MS (T4). Les traitements T5 et T6 étaients constitués respectivement de 15 et 30 % de drèche de distillerie. Chaque traitement, à base d’ensilage de maïs, était administré à quatre groupes de cinq bouvillons durant les phases croissance (0-24 semaines) et finition (24 semaines à l’abattage : poids moyen de 575 kg et gras dorsal égal ou plus grand à 4 mm). Cette expérience a également servi à comparer la performance de bouvillons recevant des vaccins tués ou des vaccins vivants.

Gains journaliers

Les résultats indiquent que les traitements T 6 (30 % de drêche de distillerie (DD)) et T1 (tourteau de canola- témoin) ont permis le meilleur gain (Figure 1). Après seulement 12 semaines d’essai, ces bovins étaient nettement plus lourds de 20 à 30 kg. Entre 12 et 24 semaines, cet effet s’est maintenu permettant aux bovins de ces mêmes traitements, T1 et T6, de peser entre 50 et 70 kg de plus que ceux ayant reçu les sources d’azote non-protéiques.

Par contre, en période de finition (24 semaines à l’abattoir), les bovins recevant l’urée (T2 et T3) ainsi que l’hydroxyde d’ammonium (T4) ont nettement amélioré leur performance de gain. Le gain obtenu durant cette période a été comparable à celui issu de la drêche de distillerie et du tourteau de canola. Malgré cette amélioration, les bovins recevant les régimes T2, T3 et T4 à base d’azote non-protéique, n’ont pas repris le retard accumulé de 50 à 60 kg de poids et cela fait en sorte que les poids finaux et les gains journaliers pour l’ensemble de l’essai (jour 1 à l’abattage) sont encore supérieurs pour les traitements T6 (30 % DD) et T1 (tourteau de canola).

Le poids moyen final d’abattage pour les traitements T6, T1 et T5 étaient respectivement de 680, 660 et 652 kg comparativement à des valeurs de 635, 630 et 626 kg pour les régimes T3, T4 et T2 (tableau 1). En tenant compte de la durée total de la période d’engraissement, les meilleurs gains journaliers sont obtenus avec la drêche de distillerie (15 et 30 % DD) et le tourteau de canola.

Autres performances et coûts d’alimentation

En période de croissance, les bovins recevant les sources d’azote non-protéiques ont moins consommé d’aliments ce qui expliquerait la diminution du gain journalier. Pour cette même période, les valeurs de conversion alimentaires étaient de 6,41 (T6), 6,94 (T5) et 6,96 (T1) contre respectivement 7,69, 7,84 et 8,01 pour T4, T3 et T2. Même si ces valeurs ne se sont pas distingués significativement en finition, les conversions les plus efficaces ont été obtenues avec les traitements à 15 et 30 % DD. Les coûts d’alimentation par kg de gain les plus avantageux sont ceux calculés pour l’urée et l’hydroxyde d’ammonium. Ce moindre coût compense ainsi pour la réduction du gain de poids constaté.

Données d’abattage

Les meilleurs poids de carcasse sont encore observés pour les traitements T6 (384 kg), T5 (376 kg) et T1 (371 kg). Aucune différence n’est cependant observé pour le rendement de carcasse et la surface de l’œil de longe. La meilleure marge de profit (96,41 $) est obtenue avec T5 (15% DD) tandis que le meilleur revenu de carcasse (1 201,44 $) avec T6 (30 % DD) même si cette ration est plus dispendieuse.

Finalement…

Cette expérience démontre bien que la drêche de distillerie au taux de 15 ou 30 % d’incorporation au régime est un excellent supplément protéique et énergétique pour complémenter l’ensilage de maïs dans l’alimentation des bouvillons. Le taux de 15 % semble le plus adéquat pour maximiser la marge de profit. Cette expérience démontre également que l’incorporation d’urée ou d’hydroxyde d’ammonium, sources d’azote non-protéiques, réduit la performance de gain et l’efficacité alimentaire des bovins même si leur utilisation semble relativement économique. Il n’y a pas eu de différence quant au fait d’ajouter l’urée à l’ensilage de maïs directement plutôt que dans la ration.

* Chercheur en production bovine, Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA).

 

 

 

 

 

Tableau 1 – Résumé des performances des bouvillons

PARAMÈTRES

Traitements

T1

t. canola

T2

urée-r

T3

urée-e

T4

Nh4Oh-e

T5

DD-15 %

T6

DD-30 %

Poids vifs (kg)

0 sem.

12 sem.

24 sem.

40 sem.

283 a

394 ab

513 ab

660 ab

281 a

362 c

454 c

626 b

288 a

364 c

462 c

635 b

278 a

361 c

451 c

630 b

282 a

376 bc

491 b

652 ab

287 a

396 a

520 a

680 a

Jours d’élevage moyens

272 bc

281 ab

283 a

283 a

273 bc

267 c

Gains (kg/j)

0 - 24 sem.

24 sem. - abattage

0 sem. - abattage

1,37 a

1,43 a

1,39 a

1,03 b

1,53 a

1,23 bc

1,04 b

1,52 a

1,21 c

1,03 b

1,56 a

1,25 bc

1,24 a

1,55 a

1,36 ab

1,39 a

1,61 a

1,48 a

Ingestion (kg/j)

0 - 24 semaines

0 sem. - abattage

9,47 a

10,47 a

8,22 bc

9,80 ab

8,11 bc

9,79 ab

7,90 c

9,59 b

8,60 bc

9,88 ab

8,89 ab

10,08 ab

Conversion alimentaire (aliment/gain)

0 sem. - 24 semaines

24 sem. - abattage

6,96 bc

7,76 ab

8,01 a

7,99 a

7,84 ab

8,10 a

7,69 ab

7,71 ab

6,94 bc

7,28 ab

6,41 c

6,84 b

Coût total d’alimentation ($) 1

Coût d’alimentation/jour ($)

Coût d’alimentation/kg de gain ($)

397,56 b

1,46 b

1,06 a

348,14 c

1,24 d

1,01 a

351,55 c

1,24 d

1,02 a

355,95c

1,26 d

1,01 a

368,90 bc

1,35 c

0,99 a

427,74 a

1,60 a

1,09 a

Données d’abattage

Poids des carcasses (kg)

Rendement de carcasse (%)

Rendement en viande (%)

Revenus de carcasse ($) 2

Marge de profit/bœuf ($)

370,7 ab

56,2 a

59,6 c

1160,4 ab

57,75 a

352,0 c

56,3 a

61,2 ab

1101,9 c

41,04 a

359,6 bc

56,7 a

62,0 a

1125,6 bc

57,16 a

360,0 bc

57,2 a

61,0 abc

1126,9 c

62,16 a

375,5 ab

57,6 a

60,2 bc

1175,6 a

96,41 a

383,8 a

56,5 a

60,1 bc

1201,4 a

63,08 a

* : Moyennes portant des lettres différentes se distinguent de façon significative (P = 0,05)

1 : Coût de la drêche de distillerie humide = 78 $ /tm sur base humide incluant 18 $ de transport.

2 : Prix de vente des bouvillons standardisé à 1,42 $/lb.

 

IL MANQUE LA FIGURE DE LA PAGE 15