Bovins du Québec, juin 1999, p. 34

L'ombre porte-t-elle ombrage aux bovins?

Catherine Brown

D'après les chercheurs, peu de doutes subsistent : l'ombre favorise la croissance des bovins. Esther Finegan prépare son doctorat à l'Université de Guelph sur l'utilisation de l'ombre et des abris par les ruminants au pâturage. " Oui, dit Finegan, les bovins ont besoin d'ombre, mais peu dans le sud de l'Ontario ", où le coup de chaleur cause peu de mortalité. Par contre, le coup de chaleur risque fort d'entraîner une baisse de leur rendement.

Bien que les résultats de la recherche de cette année soient encore incomplets, les travaux déjà complétés sont clairs : rien ne prouve encore que les vaches produisent moins rapidement si elles sont à l'ombre.

En fait, les chercheurs ont même découvert que le contraire était vrai. Les bovins doivent ruminer et ils ont tendance à ruminer quand ils sont détendus à l'ombre. D'après Finegan, ils ruminent mal à la chaleur tout comme à proximité de l'eau. Sans ombre, les vaches passent également la plus grande partie du temps debout.

Une étude réalisée en Australie a montré que, les jours de grande chaleur, les bovins dont l'enclos était bien ombragé ruminaient durant la plus chaude partie du jour, alors que les vaches se trouvant dans une zone sans ombre de l'enclos ne ruminaient pas du tout. Durant les deux journées les plus chaudes qu'a duré l'étude du centre Elora, les bovins situés à l'ombre ont également passé plus de temps à ruminer.

La deuxième conclusion est que, la plupart du temps, l'ombre ne constitue pas une question de vie ou de mort sous nos latitudes, même si elle influence le rendement. Le coup de chaleur dépend de l'intensité et de la durée de la chaleur et de l'humidité. Les bovins s'en tirent donc mieux les journées chaudes, lorsque celles-ci fraîchissent la nuit venue.

La température du corps d'une vache est de 38,5 oC, explique Finegan. Toute variation de trois degrés en plus ou en moins peut être mortelle, comme chez les humains. Leur température doit donc demeurer stable ; si elle est trop élevée, la bête souffre d’un coup de chaleur.

" Il est assez surprenant, disent les chercheurs et écrivains Esther Duschinsky et Derek Haley, que la température corporelle des bovins varie de moins de 1 oC jour et nuit, été comme hiver, alors que la température extérieure peut varier de sous le point de congélation à bien au delà de 20 oC. "

Deux raisons expliquent le gain de chaleur dans le corps de l'animal : la chaleur ambiante et le métabolisme. La chaleur métabolique est produite par les processus physiologiques que sont l'alimentation, la digestion, l'exercice, la croissance, la lactation et la gestation. Plus intenses ces processus, plus intense la chaleur produite; un animal plus productif produira également plus de chaleur que ses congénères.

La réponse élémentaire et immédiate au coup de chaleur consiste donc à diminuer l'ingestion. Celle-ci commence à baisser au-dessus de 25 oC, et au-dessus de 35 oC, cette baisse peut atteindre de 10 à 35 %.

" Le coup de chaleur peut affaiblir la performance des mâles et des femelles à presque toutes les étapes de la reproduction, affirment Duschinsky et Haley. Il peut réduire la durée et l'intensité des chaleurs, faire baisser le taux de gestation et augmenter la mortalité chez les embryons. Il peut finalement affecter la production du sperme et influencer la fertilité des taureaux… "

Mais les grosses chaleurs peuvent ne pas altérer la performance lorsqu'on se sert de l'ombre pour réduire le coup de chaleur.

Les bovins souffrant un peu ou moyennement d’un coup de chaleur dépensent environ 7 % plus d'énergie que les bovins n'en souffrant pas. Quant aux bêtes souffrant d'un intense coup de chaleur, au point de respirer difficilement, la bouche ouverte, elles dépensent de 11 à 25 % plus d'énergie.

Le bétail a trop chaud, explique Finegan, en particulier lorsqu'il n'a pas été acclimaté à la chaleur ou lorsqu'il fait chaud et humide.

Le type d'environnement affecte aussi le bilan calorifique. L'herbe, les arbres et les autres végétaux évaporent de l'humidité et donnent un environnement relativement frais, comparé aux roches, au sol dénudé et au béton qui retiennent et irradient la chaleur. Le bétail s'en tire en buvant de l'eau, en cherchant l'ombre, en transpirant et en mangeant moins, ou même en haletant rapidement la bouche grande ouverte.

Une bête acclimatée aux conditions chaudes saura résister aux chaleurs intenses sans souffrir d’un coup de chaleur. Chez les bovins, l'acclimatation commence dans les deux semaines suivant un changement de température, et prend fin au bout de quatre à sept semaines. Selon les chercheurs, " le bétail est beaucoup plus vulnérable au coup de chaleur quand une vague de chaleur suit une période prolongée de température froide ".

La capacité à composer avec la chaleur varie même d'une bête à l'autre. Chez les très jeunes veaux, le gain ou la perte de chaleur se fait plus facilement que chez les adultes, parce que leur rapport surface exposée/volume est plus grand. Le bétail rendu stressé ou malade par la manipulation sera également plus sensible à la chaleur.

Les bovins très musclés, tels que les taureaux, ont les plus hauts taux de production de chaleur et sont aussi les plus sensibles aux coups de chaleur. La couleur de la robe peut également jouer un rôle important; le bétail de couleur pâle réagissant mieux au soleil que le bétail de couleur foncée. Les cuirs foncés peuvent absorber 80 % des rayons solaires, comparé à 50 % pour les cuirs pâles.

L'étude de Guelph a montré que les mouches faciales pondaient leurs œufs uniquement dans les pâturages ouverts, et jamais dans les endroits boisés ou sous les arbres. Les tests de laboratoire réalisés après les essais au champ ont démontré que les mouches faciales pondaient uniquement au soleil.

Bref, une ombre simple bloquant les rayons directs du soleil peut réduire jusqu'à 30 % le gain de chaleur rayonnée par un animal, lequel est alors plus confortable et donc plus performant. Le livret explique les signes du coup de chaleur ainsi que les moyens permettant de rafraîchir le bétail qui en a les symptômes.

L’Ontario Cattlemen's Association s’intéresse au sujet puisqu’elle a financé les présentes études et qu’elle vient de publier un guide à l’intention des producteurs : Beat the Heat - A Guide to Hot Weather and Shade for Ontario Cattle Producers. Pour obtenir une copie de Beat the Heat, appeler à l'OCA à Guelph au (519) 824-0334, ou au Centre d'études sur le bien-être des animaux (CSAW) au (519) 824-4120, poste 3918. L'adresse courriel du CSAW est le <[email protected]>.

Source : Ontario Beef Farmer, automne 1998.