Bovins du Québec, juin-juillet 2001

Le développement des taures de boucherie

Georges Paradis*

Cet automne, le prix des veaux s’apprête à atteindre de nouveaux sommets. Cet hiver au Kentucky, des taures commerciales se sont vendues à des prix variant entre 1 500 $ US et 2 000 $ US! Plusieurs seront donc tentés de garder plus de taures pour la reproduction! Le coût pour garder une taure, du sevrage jusqu’au vêlage, sera probablement moins élevé que d’acheter une taure gestante au prix du marché à l’automne 2002. Mais sans planification ni objectifs, sans outils de mesures et réévaluations constantes, la marge de manœuvre pour produire une bonne femelle est mince et le risque d’échec est élevé. Il est alors préférable d’envisager se procurer des femelles gestantes ailleurs.

Dans la vie d’une taure, il y a plusieurs périodes propices à l’évaluation du succès d’un programme de développement : du sevrage à la saillie, de la saillie au vêlage et du vêlage à la nouvelle saillie. Il faut toujours se rappeler que les objectifs doivent être d’abord définis, puis mesurés et surtout, atteints. Le tableau 1 résume les points critiques du contrôle du développement des taures. Les deux objectifs principaux sont 1) d’avoir une taure qui vêlera à 24 mois et 2) qui redeviendra gestante tôt durant la prochaine saison de saillie.

Sélection

La sélection des génisses devrait être basée sur les objectifs de performance, de composition génétique et de conformation pré-établis par l’entreprise. Il faut prévoir de 15 à 30 % plus de femelles que le nombre requis pour permettre de réformer en cours de route celles qui ne répondront pas aux exigences. Choisir les génisses les plus vieilles est bénéfique puisque les filles de vaches qui vêlent tôt auront aussi généralement tendance à vêler tôt. Cela se traduira habituellement par des veaux plus lourds au sevrage parce que plus vieux, soit environ 37 lb de plus par cycle de 21 jours.

Choisir les plus grosses génisses peut permettre de sélectionner pour la production de lait. Bien qu’un poids lourd au sevrage est désirable, s’il est dû à la production de lait de la mère, il faut s’assurer que la nourriture de cette vache est équilibrée. En effet, une vache qui produit beaucoup de lait et qui est sous-alimentée court plus de risques d’être non-gestante à la fin de la saison de saillie. Toutefois, choisir les plus grosses génisses entraîne une hausse graduelle du poids moyen des vaches, un coût d’entretien plus élevé et un poids plus élevé des veaux à la naissance.

Du sevrage à la saillie

Une fois sélectionnée, une taure doit avoir un gain moyen quotidien de 1,25 à 1,75 lb (0,57-0,80 kg) par jour pour atteindre 65 % de son poids mature à la saillie vers 15 mois. De la naissance à la saillie, les interventions suivantes favoriseront l’atteinte de la puberté à un poids et à un âge satisfaisants:

- un programme de vaccination avant le sevrage, au sevrage et à la pré-saillie;

- une vermifugation stratégique;

- l’utilisation d’un seul implant selon les recommandations du fabricant pour les femelles de remplacement;

- l’emploi d’un ionophore en continu jusqu’après le 1er vêlage.

La palpation rectale pré-saillie permet de déterminer par l’examen des ovaires et de l’utérus les taures qui ont atteint la puberté. Un tractus reproducteur immature est alors une cause de réforme immédiate. L’évaluation du diamètre pelvien permet aussi de réformer les cas extrêmes de bassins trop petits pour vêler.

Saillie

Les taures devraient être saillies 30 jours avant les vaches pour leur permettre une période de repos plus longue après le 1er vêlage. La synchronisation des chaleurs ou de l’ovulation, l’insémination artificielle et un ratio vaches/taureau faible permet une saison de saillie et de vêlage plus intensive et une gestion plus efficace qui résultera en une récolte de veaux plus uniforme. Un examen de gestation 60 jours après la fin de la saison de saillie permet de prédire efficacement la date prévue du vêlage. L’information peut ensuite être reportée sur un graphique par périodes de 21 jours.

Le taux de conception à la 1re saillie devrait être supérieur à 60 % et 80 % des taures devraient être gestantes après 45 jours de la saison de saillie. Les taures ouvertes devraient être réformées. La vermifugation pendant la saison de pâturage est essentielle. Elle améliorera le taux conception si les saillies sont effectuées au champ et permettra une croissance optimale.

Du diagnostic de gestation au vêlage

Les taures gestantes devront peser 85 % du poids mature au premier vêlage avec des réserves de graisse adéquates sans aller dans l’excès. La vaccination, la vermifugation et les ionophores aideront à atteindre ces objectifs. L’avortement, la perte de veaux au vêlage ou en bas âge devront être notés et analysés. La facilité de vêlage et son impact sur la perte de veaux indiquent le besoin de modifier les pratiques de gestion et/ou l’intervention vétérinaire.

Du vêlage au test de gestation de la 2e saison de saillie

L’état de chair après le 1er vêlage est un facteur critique. Il faut viser une condition de chair 5,5 au vêlage et la réévaluer au début de la saison de saillie. Idéalement, les taures devraient avoir pris du poids ou, au moins, ne pas avoir maigri. Pour atteindre cet objectif, il est très important de les grouper ensemble, à part du troupeau adulte, pour éviter la compétition. Il faudra envisager nourrir les veaux à la dérobée et/ou sevrer les veaux plus jeunes si l’état de chair des taures devient critique.

Le taux de conception après le 1er vêlage est l’indice d’évaluation du programme de développement des taures le plus important. Encore une fois, le graphique des dates estimées des saillies par tranche de 21 jours nous fournira des renseignements très intéressants. Un nombre trop élevé de taures de 1er veau saillies tard dans la saison ou ouvertes indiquent un problème de régie important. L’origine du problème peut toutefois remonter à l’année précédente. Du point de vue économique, le succès financier d’un programme de développement des taures doit viser comme objectif :

- un vêlage à 24 mois;

- moins de 20 % de plus de dystocies que les vaches de trois ans;

- le sevrage des veaux de taures à pas moins de 10 % du poids moyen au sevrage du troupeau;

- un taux de conception après le 1er vêlage d’au moins 50 %.

Si vous prenez la décision d’élever vos propres taures de remplacement, elles méritent les meilleurs soins dans votre troupeau ainsi que toute votre attention. Elles représentent l’avenir de votre entreprise… N’hésitez pas à consulter votre médecin-vétérinaire sur les soins préventifs et les façons d’élever de meilleures femelles de remplacement.

* Consultant en médecine de production bovine

Clinique vétérinaire régionale

 

Tableau 1. Points critiques du contrôle du développement des taures

 

Période évaluée

Objectifs

Mécanismes de contrôle

Outils de mesure

1. Examen

pré-saillie

Du sevrage à la saillie

65 % du poids mature

Programme alimentaire " croissance "

Poids

Atteindre la puberté

Sélection

Nutrition

Évaluation du tractus reproducteur

2. Saillie

Saison de saillie

Vêler 30 jours avant les vaches

Saillir tôt

Synchronisation

Palpation à 60 jours

Graphiques des résultats

3. Vêlage

Du test de gestation au vêlage

85 % du poids mature

Programme alimentaire " post-saillie "

Poids

Condition de chair ≥6

Médecine préventive

Condition de chair de la mère

Distribution des vêlages

Taux de mortalité périnatal et postnatal

Vêler sans dystocie

Réformer les taures avec une petite surface pelvienne

Taureaux avec de petits EPD pour le poids à la naissance

Évaluation de la facilité au vêlage

4. Examen de gestation de la

2e saison

Vêlage à la re-saillie

Condition de chair ≥5,5 à la re-saillie

Nourrir séparément les taures 1er veau

Programme alimentaire " lactation "

Sevrage hâtif

Palpation à 60 jours

Graphiques des résultats

Condition de chair ≥4 à la palpation

Re-saillir tôt

Nutrition

Intervalle de vêlage

Palpation