Bovins du Québec, octobre 1999, p. 14

Vaches de boucherie

L’alimentation en période péri-vêlage

Éric Provencher*

Ericp@agribrands.ca

La viabilité d’une entreprise vache-veau dépend de son efficacité à produire le plus de livres de viande par vache en inventaire par année et ce, au meilleur coût possible. Sachant que l’alimentation représente 60 à 70 % des coûts de production, l’alimentation de la vache de boucherie 60 jours avant et après le vêlage est importante dans le but d'améliorer la profitabilité de l’entreprise.

Le revenu principal d’une entreprise vache-veau provient de la vente des veaux à l’automne. Le nombre de veaux produits par vache en inventaire par année est donc le facteur ayant le plus grand impact économique. Afin qu’une vache vêle d'un veau chaque année, l’éleveur doit s’assurer que les vaches vêlent dans un intervalle de 40 à 60 jours et que les vaches ayant vêlé soient saillies le plus tôt possible, c'est-à-dire sur une période de 40 à 60 jours après le vêlage. De cette façon, la vache donnera naissance à un veau à chaque année et le poids des veaux à l’automne sera plus uniforme (500 à 600 lb), ce que demande les parcs d’engraissement.

Condition de chair et ajout de minéral à la ration

Une bonne condition de chair 60 jours avant et après le vêlage et l’ajout de minéraux, oligo-éléments et vitamines à la ration sont les deux facteurs les plus importants pour s’assurer que la vache donne naissance à un veau en santé chaque année.

Pendant les 60 derniers jours de gestation, les besoins énergétiques de la vache augmentent de 30 % (de 30 à 65 % par temps froid) et les besoins en protéines métabolisables augmentent également de 30 % (NRC,1996). En effet, c’est à cette période que 60 à 65 % de la croissance du fœtus est obtenu. En début de lactation, les besoins en énergie augmentent de 30 à 50 %, en protéines de 25 à 50 %, en minéraux, oligo-éléments et vitamines de 10 à 25 % afin de produire le lait nécessaire pour la croissance du veau.

Plusieurs recherches, tant aux États-Unis qu’au Canada, démontrent que l’ajout de minéral à la ration de la vache de boucherie améliore la reproduction et ainsi le nombre de veaux produits par vache en inventaire par année. Une étude effectuée par le USDA (département de l’agriculture aux États-Unis) démontre que l’ajout de minéral à la ration de la vache de boucherie augmente de 21 % le nombre de veaux à naître et de 25 % le nombre de veaux sevrés. De plus, le poids des veaux au sevrage est augmenté de 82 livres et la quantité de viande produite par vache exposée est de 175 livres supérieure (voir le tableau 1).

La condition de chair idéale au vêlage est de 5 à 6 sur une échelle de 1 (très maigre) à 9 (très grasse). Lorsque la condition de chair est de 4, on doit s’attendre à ce que seulement 61 % des vaches démontrent une chaleur 60 jours après le vêlage vs 91 % si la condition de chair est de 5 (voir le tableau 2). Lorsque la condition de chair n’est pas adéquate, la période de saillie sera décalée ou allongée de 21 à 42 jours due aux vaches ne démontrant pas de chaleur ou étant incapables de concevoir (manque de condition de chair, de protéines ou carence de minéral). Dans ce cas, la vache ne produira pas un veau par année ou bien le poids du veau sera de 50 à 100 livres plus léger à l’automne (voir le tableau 3).

Selon une étude effectuée sur quelques milliers de vaches de différentes fermes à travers les États-Unis, le taux de gestation des vaches ayant une condition de 5, 4 ou 3 était de 85 à 95 %, 58 à 66 % et de moins de 50 % respectivement. Cette étude démontre qu’il est essentiel que les vaches aient une condition de chair de 5 ou plus afin de maximiser le taux de gestation, donc le nombre de veaux produits par vache en inventaire par année.

Si la vache ne vêle pas, la perte de revenu d’un veau de 500 à 600 livres sera de 700 $ à 840 $ (prix de 1,40 $/lb en date du 4 septembre). Si la vache vêle mais qu’elle a conçu de 21 à 42 jours plus tard, la perte sera de 70 $ à 140 $/veau (perte de 50 à 100 lb x 1,40 $/lb). Une vache qui ne produit pas de veau ne génère pas de profit et elle coûte la même chose qu’une vache qui rapporte. Le producteur a donc intérêt à garder seulement les vaches qui lui donnent un veau par année.

La condition de chair des vaches devrait être évaluée deux à trois mois avant le vêlage et le programme alimentaire (supplémentation en énergie et en protéine) devrait être ajusté selon la qualité des fourrages et la condition de chair visée au vêlage. Les fourrages de bonne qualité rencontrent généralement les besoins nutritionnels en énergie et en protéine avant et après le vêlage si les vaches sont en bonne condition de chair. Elles ont donc besoin de recevoir seulement des minéraux, oligo-éléments et vitamines additionnelles. Les vaches n’ayant pas une condition de chair adéquate et/ou ne recevant pas des fourrages de bonne qualité auront besoin de recevoir de l’énergie, de la protéine, des minéraux, oligo-éléments et vitamines additionnels via une moulée, un bloc ou un supplément protéique avec les grains de la ferme pour les 60 jours avant et après le vêlage. Après le vêlage, nous devons alimenter les vaches de façon à minimiser la perte de poids et maximiser la production de lait. En effet, la production de lait a une influence directe sur le poids des veaux à l’automne (voir tableau 4).

Il est donc important de séparer en deux groupes les vaches ayant une bonne condition de chair et les vaches maigres avec les vaches de premier veau (les vaches de premier veau sont encore en croissance et ont des besoins plus élevés) 2 à 3 mois avant le vêlage afin de les alimenter différemment. De plus l’éleveur devrait garder ses meilleurs fourrages pour cette période (60 jours avant et après le vêlage).

Qualité des fourrages et profitabilité

Les fourrages de qualité sont récoltés au bon stade de maturité, n’ont pas reçu de pluie et ont bien été entreposés. Un foin de graminée de bonne qualité par exemple aura normalement 13 à 15 % de protéine, un foin de qualité moyenne 12 % et un foin de mauvaise qualité entre 6 et 11 %. Pour un foin de mauvaise qualité, en plus d’être faible en protéine, jusqu’à 35 % de la protéine peut être non-disponible pour la vache (protéine liée à la fibre). Si on prend un foin à 10 % de protéine et que 35 % de la protéine n’est pas disponible, la protéine du foin disponible est seulement de 6.5 %. Au moment de faire analyser ses fourrages, il est important de demander la protéine disponible et non seulement le pourcentage de protéine brute.

Est-il profitable d’alimenter une vache de condition de chair de 4 afin qu’elle vêle avec une condition de chair de 5? Pour améliorer la condition de chair de 4 à 5, soit environ 75 livres de gain de poids, il faudra environ 75 jours à un gain de 1 lb/jour. Pour obtenir ce gain de poids, il faudra alimenter 5,7 livres de moulée par jour (moulée à 18 % de protéine et 70 % d’UNT). Cela représente un coût d’alimentation d’environ 48.50 $ (moulée à 250 $/tonne). Nous avons vu qu’en améliorant la condition de chair de 4 à 5, nous améliorons le taux de gestation de 20 % (de 65 à 85 %). Si la vache a 20 % plus de chances d’être gestante et qu’elle donne un veau de 550 lb à l’automne, elle rapportera donc 154 $ (550 lb x 1,40 $/lb x 20 %), pour un profit net de 105,50 $ (154 $ - 48,50 $). Si la vache a une condition de chair de 3, il faudra s’y prendre un peu plus tôt pour lui faire prendre du poids ou bien augmenter l’énergie de la moulée et la quantité servie par jour. Le calcul du retour sur investissement révèle qu’il est encore profitable d’alimenter cette vache afin qu’elle donne un veau à l’automne.

Avis aux producteurs : afin de vous assurer que vos vaches soient profitables, faites des fourrages de qualité, groupez vos vaches selon leur condition de chair et alimentez-les pour qu’elles vous donnent un veau par année.

*agr., Responsable de la production bovine au Québec

Agribrands Purina Canada Inc.