Bovins du Québec, octobre 1999, p. 10

Le développement du rumen du veau

Jim Quigley

Le rumen du veau se développe en général dans les quatre à huit premières semaines de vie, et surtout à partir de l’ingestion d’aliments secs. Si le veau est nourri tôt, en particulier avec des aliments de démarrage, le rumen commencera à se développer quelques semaines après la naissance.

Le développement du rumen dépend de cinq facteurs :

Les bactéries et le liquide, ainsi que la motilité et la capacité absorbante du rumen, existent avant que celui-ci commence à se développer, ou se développent rapidement avec l’absorption des aliments secs. Bien que le rumen et les autres tissus subissent d’autres changements métaboliques pendant le développement ruminal, nous examinerons ci-après les facteurs énumérés ci-dessus qui caractérisent l’entrée en fonction du rumen.

Les bactéries

À la naissance du veau, le rumen est stérile, c’est-à-dire sans bactéries. Mais, dès le lendemain, il contient de grandes quantités de bactéries, principalement aérobiques, c’est-à-dire qui utilisent de l’oxygène. Par la suite, avec l’absorption d’aliments secs et lorsque change le substrat (grain et foin) disponible pour la fermentation, le nombre et les types de bactéries changent. Ils changent presque toujours en fonction de l’absorption du substrat. Les bactéries se trouvant dans le rumen avant l’absorption d’aliments secs sont produites par la fermentation des poils et de la litière qui ont été ingérés ainsi que du lait qui passe de la caillette dans le rumen. De plus, le substrat ingéré influe sur les types de bactéries ruminales qui foisonnent dans le jeune rumen.

Le liquide contenu dans le rumen

Pour activer la fermentation du substrat, les bactéries doivent se trouver dans un milieu aquatique. Si elles manquent d’eau, elles ne peuvent se développer, et le développement ruminal est ralenti. L’eau qui entre dans le rumen provient principalement de l’absorption de l’eau courante. Si l’on donne de l’eau au veau dès son jeune âge, il n’y a habituellement aucun problème. Malheureusement, de nombreux éleveurs donnent de l’eau courante à leurs veaux uniquement à l’âge de quatre semaines ou plus. Donner de l’eau en hiver est parfois compliqué, et pourtant les veaux ont besoin d’eau même quand il fait froid. Il faut parfois même apporter aux veaux de l’eau chaude lors d’une distribution additionnelle d’aliments, afin qu’ils reçoivent une quantité suffisante d’eau liquide. L’eau courante, cela est prouvé, augmente le gain en poids vif, et réduit les diarrhées.

Le lait, ou le lait de remplacement, ne peut se substituer à " l’eau courante " parce qu’il contourne le rumen lorsque la gouttière oesophagienne (réticulaire) se ferme. Cette fermeture de la gouttière constitue une réaction neurologique à l’alimentation ; l’eau peut entrer dans le rumen parce qu’elle ne déclenche pas cette fermeture.

Le rejet des matières du rumen

Pour que le développement ruminal se fasse normalement, la matière qui entre dans le rumen doit pouvoir en sortir. La rumination s’active notamment par contraction du rumen, par pression sur le rumen ou par régurgitation (de la matière ruminée). À la naissance, l’activité musculaire est faible dans le rumen, où l’on décèle peu de contractions. De la même façon il n’y a aucune, voire peu, de régurgitation durant la première semaine de vie. Mais plus le veau ingère d’aliments secs, plus les contractions du rumen augmentent. Lorsque le veau ingère du lait, du foin et du grain peu après sa naissance, on peut enregistrer des contractions du rumen dès sa troisième semaine de vie. Lorsque le veau est nourri uniquement avec du lait, de longues périodes peuvent s’écouler avant que l’on puisse mesurer des contractions du rumen. La régurgitation a été observée dès le 7e jour après la naissance, mais il se peut qu’elle ne soit pas liée au développement ruminal comme tel. Les veaux vont toutefois ruminer de plus en plus longtemps lorsqu’ils sont nourris avec des aliments secs.

La capacité absorbante du tissu du rumen

L’absorption des produits issus de la fermentation des aliments est un facteur important du développement ruminal. Ces produits – en particulier les acides gras volatils (AGV : acétate, propionate et butyrate) – sont absorbés par l’épithélium du rumen, où sont métabolisés le propionate et le butyrate chez les ruminants adultes. Les AGV ou les produits issus du métabolisme (lactate ou ß-hydroxybutyrate) sont alors transportés vers le sang où ils serviront de substrat énergétique. Chez les veaux nouveau-nés, par contre, l’absorption ou le métabolisme des AGV est nulle, ou presque. Le rumen doit donc développer sa capacité absorbante, avant le sevrage du veau.

La paroi du rumen est constituée de deux couches, épithéliale et musculaire. Chacune a sa fonction propre, et son développement répond à des stimuli différents. La couche musculaire fournit le support pour l’intérieur (couche épithéliale) et fait bouger le contenu ruminal dans le rumen. La couche épithéliale est la couche absorbante du tissu qui est en contact avec le contenu du rumen, à l’intérieur. Ce tissu renferme de nombreuses petites projections, de la forme d’un doigt, appelées papillæ. Ces papilles constituent la surface absorbante du rumen. À la naissance du veau, elles sont petites et non fonctionnelles. Leur capacité absorbante est réduite et elles ne métabolisent pas beaucoup d’AGV.

De nombreux chercheurs ont évalué l’effet de différents composés sur le développement du tissu épithélial, c’est-à-dire sur la taille et le nombre des papilles ainsi que sur leur capacité à absorber et à métaboliser les AGV. Leurs recherches montrent que les premiers à stimuler le développement de l’épithélium sont les AGV – en particulier le propionate et le butyrate. Ainsi, la fermentation du lait, du foin et du grain ajoutés au rumen est attribuable aux bactéries productrices de ces AGV; elles fabriquent donc des AGV pour le développement épithélial.

La disponibilité des aliments de démarrage

Les bactéries et le liquide, ainsi que la motilité et la capacité absorbante du rumen, existent avant que celui-ci ne commence à se développer, ou se développent rapidement avec l’absorption des aliments secs. Cette absorption d’aliments secs constitue donc le principal facteur déterminant le développement ruminal. Afin de favoriser le développement précoce du rumen et ainsi permettre un sevrage précoce du veau, il faut d’abord administrer au plus tôt une diète qui facilite la croissance de l’épithélium ruminal ainsi que la motilité ruminale. Les grains sont un bon choix pour développer rapidement le rumen, parce qu’ils contiennent des glucides fermentables qui, une fois fermentés, se transforment en propionate et en butyrate. Les fourrages, par contre, renferment des glucides structuraux qui ont tendance à fermenter davantage sous forme d’acétate, laquelle stimule moins le développement ruminal.

En résumé, le facteur déterminant du développement du rumen est la nourriture sèche, grains et foin, le plus tôt possible dans la vie du veau sans oublier l’eau courante.

* : DMV, APC calf notes

Source : Ontario Veal News, juin 1999.