Bovins du Québec, août 1999, p. 20

Vache de réforme

Un implant pour ma vache?

Lucie Dutil*

De nos jours, un éleveur reçoit environ 50 $/100 lb de poids vif lorsqu’il envoie une vache de réforme à l’encan. Pour un animal de 1 100 lb, l’éleveur obtient donc environ 550 $. Il est possible d’espérer un peu plus pour une vache de réforme si celle-ci est en meilleure condition de chair. Mais est-ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle? Voici donc les principaux constats d’une revue de littérature demandée par le comité de mise en marché bovins de réforme et veaux laitiers de la Fédération des producteurs de bovins du Québec.

Temps et gains

La plupart des auteurs d’essais récents sur la réalimentation de vaches de réforme estiment qu’une vache peut être remise en bonne condition de chair entre 56 à 70 jours. Une période plus longue entraîne généralement une accumulation trop importante de graisses. De plus, le gain moyen quotidien (GMQ) est généralement plus élevé et la conversion alimentaire meilleure sur de courtes périodes. Prolonger la période d’engraissement peut donc réduire le profit sans pour autant améliorer la carcasse.

Les gains de poids possibles en moins de 70 jours varient entre 62 et 129 kg ou entre 1 et 2 kg / jour selon les diverses études. L’amélioration du rendement à l’abattage est généralement de l’ordre de 3 % entre des vaches nourries avec une ration de maintenance et celles réalimentées. De même, la surface de l’œil de ronde sera habituellement plus large chez les vaches réalimentées.

Fait important à souligner, le gain accompli chez la vache de réforme est principalement attribuable au dépôt de muscle et de gras, contrairement aux bouvillons et génisses d’engraissement où le gain comprend également le poids accru de la carcasse. Ainsi pour des gains de poids vifs comparables, la vache de réforme produit plus de viande qu’une génisse ou un bouvillon en croissance. Il est donc possible d’avoir des gains relativement intéressants, mais encore faut-il choisir les bons sujets.

Quelles vaches choisir?

D’entrée de jeu, le " reconditionnement ", ou l’engraissement d’une vache de réforme avant son abattage, devrait être réservé aux vaches qui sont de maigres à très maigres (une cote de chair de 2 et moins sur une échelle de 5). C’est avec ce type de vache que les résultats sont les plus rentables. Les résultats sont également plus satisfaisants avec des femelles âgées entre 2 et 5 ans. Celles-ci obtiennent des gains de poids supérieurs et un meilleur classement de la carcasse. Les vaches doivent être en excellente santé. Réformez sur-le-champ celles qui ont des mammites, une caillette déplacée, souffrant d’acidose, etc. Côté race, très peu d’études ont été effectuées uniquement avec des vaches laitières mais pour ces quelques cas, les gains obtenus avec celles-ci, ou avec une race à deux fins, varient entre 1,22 et 1,46 kg / jour.

Comment les nourrir?

Évidemment, la diète influence grandement les résultats. Pour gagner du poids en peu de temps, les vaches doivent être alimentées avec des diètes très élevées en énergie. On parle ici de rations dont environ 80 % de la matière sèche provient de sources d’énergie comme l’ensilage de maïs ou le maïs grain. La diète doit également être riche en protéines pour permettre la synthèse de fibres musculaires et pas seulement le dépôt de graisse. Évidemment, cette diète doit être introduite graduellement afin de limiter les problèmes digestifs et métaboliques subséquents. On recommande habituellement une période de transition de 14 à 21 jours.

Peut-on aider la nature?

Quelques études ont permis de comparer les résultats obtenus avec des vaches réalimentées et avec d’autres ayant reçu en plus un ou des implants. Très peu d’études ont permis de démontrer des différences statistiquement significatives entre les gains moyens quotidiens des deux groupes, même si la tendance était vers l’obtention de meilleurs résultats chez les vaches implantées. Les implants permettaient notamment " d’accroître " les GMQ de – 0,06 à + 0,58 kg/jour et " d’améliorer " la conversion alimentaire de – 4 à + 22 %. L’amélioration de la conversion alimentaire est sans doute le principal avantage des implants car ils permettent ainsi d’améliorer le profit. Enfin, l’amélioration significative des rendements à l’abattage permettrait de plaider en faveur de l’usage d’implants chez la vache de réforme.

Il y a cependant quelques bémols à l’usage d’implants ou d’additifs alimentaires permettant de stimuler la croissance ou d’améliorer la conversion alimentaire chez la vache de réforme. D’abord, la plupart des produits utilisés en parcs d’engraissement pour stimuler la croissance n’ont pas reçu l’homologation du Bureau des médicaments vétérinaires (BMV) du Canada pour leur usage chez la vache de réforme. Un médecin vétérinaire peut prescrire un médicament non homologué mais il en prend alors l’entière responsabilité. C’est notamment à lui de définir la période de retrait et c’est lui qui en assume les conséquences si un problème survient par la suite. Plusieurs médecins vétérinaires préféreront alors réserver l’usage de produits non homologués aux animaux dont la santé ou la vie est en danger. Car, selon la Loi sur les aliments du bétail, aucun produit non homologué ne peut être ajouté à la ration s’il n’a pas reçu l’homologation du BMV, sauf s’il permet de préserver la vie ou la santé de l’animal et qu’aucune autre option n’existe. Dans ce dernier cas, une permission spéciale doit tout de même être accordée. Ajoutez à cela les préoccupations croissantes et non négligeables des consommateurs envers l’usage d’hormones chez les animaux de consommation. Donc, l’administration d’implants à des vaches de réforme est un pensez-y bien!

Est-ce risqué pour la santé de ma vache?

La réalimentation, avec ou sans implant, n’est pas sans risque. On peut cependant s’attendre à un plus grand nombre d’abcès hépatiques. Des problèmes d’acidose métabolique, de ruminites, de déplacements de caillette et de mammites cliniques ont également été rapportés. Ce risque demeure peu élevé compte tenu des rations fournies aux animaux. Mais il doit tout de même être pris en considération car vous pourriez y engouffrer votre profit, et même plus.

Et justement, le profit?

Peu de publications permettent d’évaluer la rentabilité de la réalimentation et de l’usage d’implants chez la vache de réforme. Les rares auteurs l’ayant fait mentionnent que l’exercice n’est pas rentable en tout temps. Les profits seront réalisés avec des femelles très maigres ayant un potentiel de gain compensatoire important et qui seront nourries avec une source d’énergie appropriée mais économique.

En réalimentant une vache, on espère obtenir non seulement plus de poids mais également une meilleure carcasse avec plus de rendement à l’abattage. L’amélioration de la carcasse permet à l’éleveur d’obtenir quelques sous (7 à 8 cents) de plus pour chaque livre de poids vif. Le tableau 1 permet d’estimer les profits possibles selon différents résultats de GMQ et de conversion alimentaire fournis par les auteurs et selon deux coûts de ration. Ces chiffres doivent être interprétés soigneusement car ils ne tiennent pas compte des diètes spécifiques à chaque étude mais ils démontrent clairement l’influence du coût de la ration sur la rentabilité de l’exercice.

En conclusion, on aura beau engraisser les vaches, les profits demeureront relativement maigres. À moins de posséder un troupeau de vaches de réforme et de pouvoir compter sur des économies d’échelle, la décision de retenir une vache dans le troupeau pour l’engraisser doit être réexaminée à chaque fois selon les conditions qui prévalent au moment de la réforme. Mais si le risque vous intéresse, prenez soin de bien sélectionner vos sujets et d’éviter de débuter la phase d’engraissement alors que le prix pour la viande bovine est à la baisse et que celui des grains augmente!

* D.M.V., M. Sc.

Agente de recherche, FMV

Cette revue de littérature est disponible auprès de la FPBQ au (450) 679-0530. Elle a été rendue possible grâce à une contribution financière du Fonds de recherche de la FPBQ, secteur bovins de réforme et veaux laitiers.

 

 

 

Tableau 1

Profits possibles selon différents GMQ

et la conversion alimentaire – auteurs variés

 

Références

GMQ (lb/j)

Durée (jours)

Gain de

poids vif

Revenu après

réalimentation 1

(57 $/100 lb)

C. A.*

Revenu net incluant alimentation 2

(Ration à 0,10 $/lb)

Cranwell et al, 1992

3,3

56

185

732 $

9,00

16,02 $

Cranwell, 1996

3,7

42

156

716 $

7,14

54,51

Matulis et al, 1987

4,5

56

254

772 $

5,55

80,81 $

Reiling et al, 1996

4,7

56

265

778 $

5,00

95,54 $

Price et Berg, 1982

3,1

63

197

739 $

9,59

0,44 $

Swingle et al, 1979

4,5

63

283

788 $

5,16

92,27 $

Jones et Macleod, 1981

(jeunes vaches)

3,0

68

205

744 $

8,46

20,43 $

Jones et Macleod, 1981

(vaches matures)

3,3

68

221

753 $

8,31

19,21 $

Jones, 1982

2,7

70

188

734 $

8,36

27,02 $

1 : Le revenu estimé avant la réalimentation est de 50 $/100 lb, soit 550 $ pour une vache de 1 100 lb.

2 : En baissant le coût de la ration à 0,08 $/lb, on obtient une hausse du revenu d’environ 30 $ par vache.

(*) C.A. : Conversion alimentaire