Bovins du Québec, décembre 2001-janvier 2002

Vêlage d’été ou d’hiver?

Ray Ford

La recherche a montré que faire vêler les vaches l’été, à l’extérieur, permet à un même exploitant de gérer un plus grand nombre de vaches. Avoir un plus gros troupeau, faire plus d’argent et travailler moins… dans une entreprise vache-veau? Ça semble trop beau pour être vrai!

Selon une recherche subventionnée par le ministère de l’Agriculture de l’Ontario (OMAFRA), Beef Improvement Ontario et la Ontario Cattlemen’s Association, la combinaison plus de vaches, efficacité accrue et meilleur rendement économique se ferait d’elle-même si les éleveurs étaient plus nombreux à faire vêler leur troupeau au pâturage au début de l’été. Grâce au vêlage d’été en pâturage, " chaque veau rapporte plus d’argent et on peut en élever un plus grand nombre ", affirme Tom Hamilton, chercheur en production bovine à l’OMAFRA.

Des avantages certains

Dans une étude sur cinq ans menée au Centre de recherches agricoles de l’université de Guelph à New Liskeard, Hamilton et ses collègues ont étudié les aspects économique, nutritionnel et sanitaire du vêlage d’été en pâturage de même que sa faisabilité. Ils ont conclu que la méthode offre des avantages pour l’éleveur qui veut réduire ses frais d’investissement et son temps de travail par vache.

Moins de travail, moins de litière, moins de traitements médicaux, moins de frais de logement en une saison de vêlage d’été, l’éleveur pourrait réaliser une marge nette de 45 % (ou 35 $) par vache, par rapport au vêlage en étable.

Et ces avantages sont multipliés quand l’éleveur pense à augmenter son troupeau. Tom Hamilton estime que l’effort nécessaire pour faire vêler 80 vaches en étable se compare à celui nécessaire pour en faire vêler 100 en pâturage : " Lorsque votre marge par vache est plus élevée et que vous élevez plus de vaches, ça commence à être vraiment payant. "

L’éleveur qui s’oriente vers le vêlage à l’extérieur, et qui augmente son troupeau de 80 à 100 têtes, peut accroître sa marge nette à 11 300 $ pour l’ensemble du troupeau – soit plus de 5 000 $ de plus que ce que générait son troupeau de seulement 80 vaches lorsqu’elles vêlaient toutes dans l’étable. On peut faire des gains similaires en plaçant un plus grand nombre de vaches dans les mêmes installations puisque l’on n’a plus besoin d’endroits dédiés exclusivement au vêlage. D’après Tom Hamilton, l’espace d’étable requis pour faire vêler et hiverner 80 vaches permet d’en faire hiverner 134 si les vaches vêlent à l’extérieur.

Le protocole

Pour réaliser l’étude, on a d’abord séparé le troupeau de New Liskeard (propriété de l’Ontario Cattlemen’s Association) en deux groupes de 50 vaches, qui sont ensuite passées à 75 vaches par groupe. Les vaches du premier groupe ont vêlé en février-mars dans de petits enclos munis d’une bonne litière; dans ce type d’installations que seuls les centres de recherche gouvernementaux bien financés possèdent. Veaux et vaches ont été mis en pâturage de mai à septembre, puis sevrés en octobre.

Les vaches du 2e groupe ont été mises en pâturage en mai et ont vêlé en juin/juillet. Les bêtes, placées l’hiver dans une étable ouverte au devant, ont été sevrées en janvier. Les veaux d’hiver n’ont reçu aucune alimentation supplémentaire, contrairement aux veaux d’été.

L’idée de l’étude est venue en cherchant à faire en sorte que le secteur vache-veau soit plus profitable et requiert moins de main-d’œuvre, afin qu’un même éleveur puisse garder plus de vaches. " À mon avis, faire vêler les vaches à l’extérieur quand il fait – 40oC n’a rien d’amusant. Et les faire vêler dehors quand c’est boueux ne l’est pas davantage, explique Tom Hamilton. Il faut que le niveau de stress soit raisonnable pour que l’on trouve de l’agrément à aller travailler à chaque matin. "

Des données sur 541 vaches

Avec les données recueillies durant cinq ans sur 541 vaches vêlées, Tom Hamilton a conclu que les taux de conception et de survie sont virtuellement les mêmes dans le groupe d’hiver et le groupe d’été. Le vêlage d’été a pour principal avantage qu’il y a moins de problèmes de vêlage. Il y a quatre fois plus de chances qu’une vache d’hiver reçoive de l’aide – peut-être du fait que le personnel est plus à même de s’apercevoir du moment où elle vêle. Le compromis à faire, c’est lorsqu’il faut aider la vache ou le nouveau-né, car il est beaucoup plus difficile de les enfermer dans un corral.

Les problèmes de diarrhée et de pneumonie ont été également plus importants dans l’étable et les vaches d’hiver ont coûté en traitements trois fois plus cher que les vaches d’été. En outre, les taux de reproduction et de sevrage des taures étaient bien meilleurs l’été. Si les frais alimentaires ont été presque identiques dans les deux groupes, la marge nette par vache exposée a été plus élevée dans le groupe d’été – soit 113 $ par vache d’été, comparés à 78 $ par vache d’hiver.

Des inconvénients

Parmi les inconvénients du vêlage d’été figure un poids inférieur au sevrage des veaux, et une productivité légèrement inférieure chez les vaches. Les veaux nés l’hiver pesaient en moyenne six livres de plus que leurs homologues d’été, peut-être parce que lorsqu’il fait froid, les vaches envoient plus de sang dans le placenta.

Dans l’ensemble, les veaux d’hiver ont pris 2,5 livres par jour, comparé à un GMQ de 2,43 livres dans le groupe d’été – soit 27 livres de différence au moment du sevrage. Le troupeau d’hiver présentait en moyenne neuf livres de plus au sevrage par vache exposée – soit 434 livres pour la vache d’hiver contre 425 livres pour les vaches et taures d’été.

Les veaux nés l’hiver étaient prêts pour la vente à l’automne, mais les veaux nés l’été ont dû attendre janvier avant d’atteindre le même poids. " Ce n’est pas juste la saison de vêlage qui diffère, mais toute la régie d’élevage, explique Tom Hamilton. " Cela pourra avoir du sens de garder les veaux d’été plus longtemps à la ferme, en semi-finition ou en pâturage, puis de les mettre en marché à l’âge d’un an, à 800 ou 900 livres.

Tom Hamilton est convaincu que le vêlage d’été constitue une solution de rechange intéressante à l’éleveur vache-veau traditionnel. Mais il aimerait éventuellement pousser plus loin et combiner les brise-vent avec l’extension des pâturages, de façon à produire un troupeau qui reste toute l’année à l’extérieur. Cela réduirait les frais de main-d’œuvre, de logement et d’alimentation. " Ce à quoi l’on aimerait parvenir, c’est à un modèle de production vache-veau dans lequel aucun animal n’entrerait jamais dans une étable. "

Source : Ontario Beef farmer, printemps 2000.