Bovins du Québec, avril-mai 2003

 

L'univers sensoriel du bovin

 

Pour maîtriser son troupeau, l’éleveur doit savoir comment l’animal perçoit son environnement. Cela commence nécessairement par une bonne compréhension du comportement des animaux, et notamment la façon dont fonctionnent leurs sens. Que voient les bovins? Comment réagissent-ils aux odeurs, aux bruits? Connaître les modes de perception propres aux animaux est essentiel pour les déplacer, les faire avancer, et les approcher sans mal. Évidemment, un bâtiment et des installations adaptés facilitent le travail, mais quelques règles de base peuvent aussi vous aider. Voici le minimum à savoir pour toute personne travaillant au contact des bovins.

 

La vision

La vision des bovins est différente de la nôtre. Sans bouger la tête, ils sont capables de voir pratiquement tout ce qui se passe autour d’eux. Mais la précision s’atténue de l’avant vers l’arrière. La zone de vision nette est relativement étroite et la perception du relief et de la distance est moins bonne sur les côtés. Il y a seulement un petit couloir à l’arrière, de la largeur du corps du bovin, où il ne voit rien. Mieux vaut donc les aborder par l’avant de façon à éviter l’effet de surprise.

 

Pour guider les animaux de face, un bras tendu vers leur droite les fait aller vers leur gauche et inversement. En se situant à la hauteur des épaules, un pas en avant aura tendance à les faire reculer, un pas en arrière à les faire avancer. De la même façon, si les animaux sont canalisés le long d’un couloir, cela les incitera à aller de l’avant.

 

Concernant les couleurs

On entend des tas de choses sur la vision des bovins. « Surtout ne jamais s’habiller en rouge, sinon le taureau risque de charger! » Conseil avisé ou baliverne? Une chose est sûre, les bovins perçoivent très nettement le blanc, le jaune et le rouge. Ces couleurs vives l’agressent. Si les animaux n’y sont pas habitués, la perception de telles couleurs les gênera. Par exemple, une salle de traite neuve, peinte en blanc risque de surprendre les laitières au premier abord, mais elles s’y habitueront vite par la suite. Même chose pour les camions de couleur très vive, il sera plus difficile d’y faire monter les animaux. Pensez aussi à votre tenue vestimentaire au moment d’opérations délicates et préférez des teintes plus ternes comme le brun ou le noir.

 

La lumière blanche attire les bovins. N’hésitez donc pas à éclairer l’entrée lorsque vous voulez faire entrer les animaux dans un bâtiment sombre. Ils aiment bien savoir où ils sont, et ont horreur des zones d’ombre. N’isolez surtout pas une bête toute seule dans le noir avant de la faire inséminer. Stress maximum garanti! Enfin, les bovins sont gênés par l’alternance des zones d’ombre et de lumière.

 

L’ouïe et les sons

Les bovins entendent des sons qui nous sont inaudibles. Ils s’habituent aussi très rapidement aux sons. Le bruit du tracteur, synonyme d’apport d’eau ou de fourrage, ou encore le « ronron » de la machine à traire, sont très vite enregistrés comme autant de signaux familiers. Si les tonalités graves permettent de calmer les animaux, les sons aigus et inhabituels, à l’inverse, sont à prohiber compte tenu de leur effet excitant.

 

La voix

La voix est un moyen de contact, qui sécurise les animaux. On les approchera plus facilement en leur parlant. La voix de l’éleveur et notamment son intensité joue un rôle important dans la conduite du troupeau. Aborder ses animaux sur un ton normal permet d’obtenir une mise en écoute. Si le ton s’élève, les animaux dresseront leurs oreilles, comme pour attendre un ordre, et seront plus réceptifs à des commandements. Associer ces commandements à une récompense telle que du sel ou des grains est un moyen efficace pour favoriser la mémorisation. Sachez profiter de la gourmandise de vos animaux!

 

Le toucher exige un contact franc

Ni tâtonnement, ni effleurement. C’est la règle lorsqu’on touche un bovin. Ils ont pour effet de provoquer un frissonnement sur tout le corps de l’animal et entraînent alors des réactions souvent imprévisibles et brutales. Une fois le contact établi, la main doit pouvoir prévenir et suivre les réactions de l’animal pour l’amener à davantage de décontraction avant l’intervention.

 

Il est important de familiariser les animaux dès leur plus jeune âge au contact de la main de l’homme. Ce toucher sera plus ou moins agréable pour l’animal. Il entraînera une réactivité différente suivant les zones concernées. Les joues, la partie basse de l’encolure, la face interne des membres font partie des zones les plus réceptives.

 

L’odorat, signe de reconnaissance

L’odorat joue un rôle primordial sur le plan comportemental. Dans un troupeau, l’odeur de chaque individu semble être sa carte d’identité. Un éleveur qui se laisse régulièrement flairer par ses animaux, sera plus aisément reconnu par ces derniers qui se laisseront ainsi plus facilement approcher.

 

Toute odeur inhabituelle sera source de perturbation. Par exemple, le vétérinaire qui va d’exploitation en exploitation en véhiculant l’odeur de médicaments et d’autres produits, risque d’être moins bien accepté par les vaches. Il est d’ailleurs judicieux de garder à disposition des intervenants extérieurs une blouse imprégnée des odeurs du troupeau.

 

Les bovins se repèrent à l’odeur, on l’oublie trop facilement. Cela peut devenir dangereux. Notamment en cas de présence de deux taureaux sur la même exploitation. Un éleveur côtoie un premier taureau, puis s’approche du second. Ce dernier reconnaît alors l’odeur de celui qu’il considère comme son rival, et c’est l’accident.

 

Source: «Comment un bovin perçoit son environnement», Réussir Lait Élevage, No 148, mai 2002.