Bovins du Québec, août-septembre 2002

Vous avez dit mycoplasme?

Kelly Daynard* et Isabel Dopta**

 

Les mycoplasmes s’attaquent aux bovins dans les parcs d’engraissement. On les a diagnostiqué de plus en plus souvent ces dernières années. Sont-ils plus répandus ou bien sont-ce les vétérinaires et les chercheurs qui les reconnaissent mieux qu’avant? La réponse à cette question dépend de celui ou celle à qui on la pose.

 

Parmi les différentes maladies que cause Mycoplasma bovis au Canada, la pneumonie et l’arthrite sont celles qui peuvent entraîner les pertes les plus graves. Selon un rapport préparé par le Dr Rosenbusch de l’université d’État de l’Iowa, la morbidité peut varier entre 10 et plus de 80 %, et la mortalité atteindre globalement jusqu’à 10 % (incluant les animaux de réforme). Divers signes cliniques sont associés à l’infection respiratoire, notamment l’écoulement nasal, l’apathie, la baisse d’appétit et la fièvre, entraînant une pneumonie chronique progressive et non apparente. Les signes associés aux infections multiples sont la raideur, la boiterie, l’enflure des articulations, la perte de poids ainsi que la difficulté à se mettre debout.

 

L’an dernier, le Comité de recherche de l’Ontario Cattlemen’s Association a versé 25 000 $ au Dr Ken Bateman pour une étude d’une année sur les effets des mycoplasmes dans les parcs d’engraissement de l’Ontario. Vétérinaires et producteurs de toute la province envoient des carcasses à l’université de Guelph où l’équipe du Dr Bateman effectue les tests pour déterminer la cause du décès.

 

Les mycoplasmes n’étant ni un virus ni une bactérie, mais plutôt une combinaison des deux, il est pour le moins difficile de mettre au point un vaccin. Après des décennies de recherche en Europe, on n’a toujours pas trouvé de vaccin contre les mycoplasmes. Et, d’après le Dr Rosenbusch, les vaccins pourraient faire plus de tort que de bien. Aussi est-il très improbable, disent le Dr Bateman et le vétérinaire Peter Kotzeff de la clinique de Chesley, que les producteurs puissent se procurer des vaccins efficaces dans un avenir prévisible. Ils suggèrent plutôt aux producteurs de réviser leurs méthodes de régie pour voir s’il n’y aurait pas d’autres moyens de réduire l’incidence et les effets des mycoplasmes sur leurs troupeaux.

 

Peu contagieux, sauf durant le transport

Les mycoplasmes sont-ils contagieux et peuvent-ils par conséquent se propager dans le troupeau? « Je crois que le point de contagion est l’encan ou alors le camion de transport, explique Bateman. Une fois les veaux rendus dans un vaste parc, le risque que la maladie se transmette d’un appareil respiratoire à un autre est en fait très minime. Le parc est donc à mon avis une source ponctuelle d’épidémie. En fait, les veaux sont exposés tous en même temps au sevrage, aux enchères et au transport par camion. Le camion à bestiaux, c’est l’autobus scolaire de l’industrie bovine, c’est l’enceinte d’inoculation. » Un grand nombre de maladies potentielles peuvent être transmises durant le transport.

 

Le Dr Bateman sait que de nombreux vétérinaires de l’Ontario sont en désaccord avec sa théorie, mais il s’est demandé si les programmes de traitements agressifs administrés aux veaux à l’arrivée au parc pour aider à prévenir la fièvre du transport ne pourraient pas, en fait, procurer un avantage concurrentiel aux mycoplasmes dans l’appareil respiratoire.

 

« Depuis quelques années, l’utilisation des antibiotiques s’est beaucoup répandue, en particulier comme mesure de métaphylaxie. J’en ai moi-même recommandé la pratique. Comme il n’y a eu que peu d’autres changements importants dans la gestion des parcs d’engraissement, je dois donc me demander si l’emploi des mesures de métaphylaxie pourrait, d’une façon ou l’autre, être la cause du problème. L’administration des antibiotiques à l’arrivée aide à prévenir la fièvre du transport mais peut aussi créer les conditions favorables pour donner prise aux mycoplasmes.

 

Un contrôle par les antibiotiques?

« Je ne crois pas que l’on vaincra Mycoplasma bovis à l’aide des antibiotiques, ajoute Bateman. Noyer les mycoplasmes dans les médicaments ne va pas résoudre le problème. » Bateman et Kotzeff sont intrigués par les travaux menés à l’université de Saskatchewan suggérant l’existence d’un lien entre la diarrhée virale bovine (BVD) et les mycoplasmes, compte tenu du nombre de cas où les deux étaient présentes lors des examens post mortem. Et comme on peut agir contre le BVD, c’est peut-être là un bon point de départ. Bateman s’inquiète aussi du fait que 16 cas de BVD aient été détectés parmi les 50 premières autopsies de son étude.

 

 « Ce que nous savons par contre, note Kotzeff, c’est que les mycoplasmes ne répondent pas aux techniques de médication de masse. Il nous faut donc trouver d’autres méthodes de gestion pour contrôler ce problème. »

 

Le vétérinaire de la clinique de Chesley encourage ses clients à « retourner à la case départ – à réévaluer leur façon d’acheter et de manier leur bétail ». Kotzeff est persuadé qu’en achetant des animaux qui ont été vaccinés contre le BVD, et en réduisant le stress imposé aux bovins, l’on va réduire l’incidence à la fois du BVD et des mycoplasmes. Il encourage de plus les naisseurs à vacciner leurs vaches contre le BVD afin d’aider à prévenir les problèmes en aval. Ni Bateman ni Kotzeff ne veulent en démordre : une bonne vaccination du troupeau est aussi importante que la vaccination pré-vente des veaux.

Source : traduit et adapté de Can anything be done to prevent mycoplasma? The answer may lie with cow/calf producers, Ontario Beef, Février 2002.