Récents développements concernant la consommation volontaire de matière sèche chez la vache en lactation

Par : Dany Cinq-Mars, agronome, Ph.D.
Nutrition et alimentation
MAPAQ/Direction des services technologiques
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Pour commentaires : dcinqmar@agr.gouv.qc.ca
Révisé le 31 août 2001
 

Bien prédire la consommation volontaire de matière sèche (CVMS) demeure la base de tout programme alimentaire.

On sait depuis longtemps que la CVMS varie en fonction de la production laitière. Toutefois, de récentes recherches font état de plusieurs autres facteurs environnementaux et de régie de l'alimentation qui affectent directement la prise alimentaire.

1. Accès des aliments aux animaux

Les aliments issus du programme alimentaire doivent être très accessibles aux animaux. Autrement, la consommation sera inférieure aux prévisions et les performances zootechniques décevantes.

Il est vrai que les vaches passent en moyenne 5 heures par 24 heures à s'alimenter (Dado et Allen 1994). Par contre, ce ne sont pas 5 heures consécutives, mais plutôt une dizaine de périodes de consommation durant approximativement une demi-heure chacune et réparties pendant 24 heures. Sur cette base, limiter l'accessibilité aux aliments à 8 heures par période de 24 heures occasionne une baisse de CVMS entraînant une réduction variant entre 5 % et 7 % de la production laitière (Martinsson 1992; Martinsson et Burstedt 1990).

Ainsi, les vaches devraient avoir continuellement accès à leur ration. Par contre, ceci ne veut pas dire de tout servir la ration quotidienne en un seul repas, au contraire, on aurait avantage à la répartir sur plusieurs repas pour plusieurs raisons (NRC 2001).

Premièrement, plusieurs auteurs rapportent une stimulation de la CVMS, une meilleure fermentation ruminale et souvent des performances zootechniques améliorées en augmentant le nombre de repas par période de 24 heures. De plus, bien que non documenté scientifiquement, il est possible qu'en pratique le fait de pousser, brasser ou manipuler les aliments en avant des vaches les stimulerait à s'alimenter davantage.

En servant plusieurs repas par jour en s'assurant de la disponibilité constante des aliments, on obtient un rumen toujours bien rempli qui fonctionne de façon optimale. Il semblerait qu'alors, l'ordre avec lequel on sert les aliments (fourrage avant concentrés ou l'inverse) aurait peu d'impact sur la fermentation ruminale.

Concernant les vaches en stabulation libre, un facteur important à considérer pour maximiser la CVMS constitue l'espace à la mangeoire. De façon générale, on recommande environ 46 cm d'espace à la mangeoire par vache (Albright 1993).

Il semble qu'un espacement inférieur puisse satisfaire si les vaches sont placées dans de petits groupes homogènes où la compétition entre les animaux est réduite.

La position de la mangeoire revêt également une importance non négligeable. En effet, la position naturelle d'une vache pour s'alimenter est celle adoptée au pâturage, soit la tête basse. Les mangeoires qui permettent aux vaches de prendre cette position réduiraient drastiquement le gaspillage d'aliments par les vaches et augmenteraient la production de salive jusqu'à 17 %. On reconnaît l'importance de la salive pour tamponner le rumen. C'est donc une régie à favoriser.

La compétition entre les animaux peut être réduite de façon simple. Premièrement, il faut séparer les vaches en première lactation des vaches adultes (NRC 2001). On a rapporté qu'en procédant de la sorte on augmenterait jusqu'à 725 kg la production laitière des vaches primipares sur une période s'échelonnant sur 305 jours.

2. Conditions environnementales

La zone de température dans laquelle les vaches sont confortables et ne doivent pas dépenser d'énergie supplémentaire soit pour se réchauffer, soit pour se rafraîchir, se situe entre 5oC et 20oC (NRC 2001). Lorsque la température descend en dessous de 5oC, l'ingestion augmente pour compenser un métabolisme accru. On corrige la CVMS par l'équation suivante en dessous de 5oC (Eastridge et coll. 1998): 

CVMS corrigée = CVMS entre 5 % et 20 % ÷ (1-((5 - oC) x 0,004644))

À l'opposé, une température constamment au-dessus de 20oC où il n'y a pas de fraîcheur nocturne, occasionne un stress thermique. Les animaux mangent moins et produisent moins. L'équation de correction pour la diminution de la CVMS pendant les stress thermiques est la suivante (Eastridge et coll. 1998) :

CVMS corrigée = CVMS entre 5oC et 20oC x (1-((oC -20) x 0,005922))

Par contre, si la température nocturne descend en dessous de 20oC, ce facteur de correction devient trop sévère. Dans ces circonstances, il est possible qu'aucune baisse de CVMS ne soit observée. Parallèlement, on peut réduire l'effet des stress thermiques en leur offrant de l'eau froide aux environs de 10oC (Wilks et coll. 1999; Baker et coll. 1998).

D'autres conditions environnementales, comme l'exposition aux intempéries, la longueur du poil, la présence de boue sur le pelage des animaux, la propreté du logement, la ventilation et autres peuvent tous affecter la CVMS. Des facteurs de correction sont rapportés chez les bovins de boucherie (NRC 1996) mais ne sont pas disponibles chez la vache laitière, ni même chez la génisse de remplacement (NRC 2001).

3. Aliments

Le type, de même que la présentation des aliments peuvent affecter la volonté de la vache à en ingérer en plus ou moins grande quantité.

3.1 L'humidité

On a souvent rapporté une diminution de la CVMS de 0,02 % du poids vif pour chaque 1 % d'humidité au-dessus de 50 % de l'aliment complet. Des recherches plus récentes soulèvent la possibilité que l'influence apparaît avec des produits fermentés et ne serait pas attribuable à l'humidité comme telle. De plus, il n'apparaît pas évident de dégager une teneur en humidité optimale dans les aliments pour vaches laitières (NRC 2001) visant à maximiser la CVMS.

3.2 La ration fourrage/concentrés

De façon générale les publications scientifiques font état d'une augmentation de la CVMS et de la digestibilité de la matière sèche ingérée avec l'augmentation des concentrés dans la ration des vaches laitières. Cet accroissement se poursuit jusqu'à l'attente d'une proportion de 60 % de concentrés et de 40 % de fourrage dans l'aliment (NRC 2001).

3.3 La fibre détergente neutre (NDF)

Plusieurs études rapportent que la CVMS est contrôlée par la teneur en NDF des aliments ingérés. La NDF demeure une fibre qui se digère lentement et de ce fait, encombre le rumen et réduit la CVMS. Plusieurs équations de régression ont été proposées.

En dessous de 25 % de NDF dans la ration, la NDF n'encombre pas le rumen. On assiste alors à des mécanismes d'inhibition reliés à l'ingestion d'énergie. Au-dessus de 25 % de NDF, la CVMS diminue avec l'augmentation de la NDF dans la ration dû à l'encombrement du rumen.

Par contre, la plupart des rations pour vaches laitières sont hautement énergétiques et contiennent entre 25 % et 42 % de NDF. La variation de la CVMS par la NDF ne serait que de 1 % environ. C'est pourquoi aucun facteur de correction n'est proposé pour ce paramètre par le NRC (2001).

3.4 La matière grasse

De façon générale, l'incorporation de gras insaturé dans les aliments pour vaches laitières a tendance à réduire la CVMS. Cette réduction est beaucoup moins marquée lorsque les gras incorporés dans les aliments sont saturés. Aucun facteur de correction n'est proposé pour tenir compte de ce paramètre.

3.5 Les équations de prédiction de la CVMS

L'équation proposée par le NRC (2001) pour des vaches Holstein en lactation est la suivante :

CVMS (kg/j) = (0,372 x PLC 4 % + 0,0968 x PV0,75) x (1-e (-0,192 x (SDL + 3,67)))

Où : PLC 4 % = Production laitière (kg/j) corrigée à 4 % de matière grasse

PV0,75 = Poids métabolique = poids vif à la puissance 0,75

SDL = Semaines de lactation

Cette équation tient compte de la dépression de la CVMS au début de la lactation. Elle vaut pour des vaches Holstein dans un environnement neutre, c'est-à-dire entre 5oC et 20oC dans de bonnes conditions environnementales et de régie alimentaire.

Pendant les 3 dernières semaines avant la mise-bas, la CVMS diminue chez la vache laitière.

On la prédit alors par la relation suivante : CVMS (% du poids vif) = 1,97 - 0,75oC0,16T où T = Temps = Jours gestation - 280

Chez les taures, l'équation utilisée est la suivante :

CVMS (kg/j) = (PV0,75 x (0,2435 x ENe - 0,0466 x ENe2 - 0,1128) ÷ ENe

Où : PV0,75 = poids vif à la puissance 0,75

ENe = Énergie nette d'entretien de l'aliment servi exprimée en Mcal/kg de matière sèche

Pour la fin de la gestation, on corrige la CVMS en corrigeant par le facteur suivant :

Facteur = [1 + ((210 - jours de gestation) x 0,0025)]

Toutefois, ce facteur de correction n'a pas été validé expérimentalement.

Conclusion

Prédire avec exactitude la CVMS des vaches laitière demeure la base pour construire un programme alimentaire maximisant les performances zootechniques des animaux. Les différentes publications nous permettent de raffiner toujours plus les équations de prédiction. Pourtant, aucune d'entre elles n'équivaut encore à la mesure réelle de la CVMS.

Bibliographie

ALLBRIGHT, J.L., 1993. Feeding behaviour of dairy cattle. J. Dairy. Sci. 76 : 485-498.

DODO, R.G. and Allen, M.S. 1994. Variation in and relationships among feeding, chewing and drinking variables for lactating dairy cows, J. Dairy Sci. 77 : 132-144.

EASTRIDGE, M.L., Bucholtz, H.F., Slater, A.L. and Hall, C.S. 1998. Nutrient Requirements for dairy cattle of the National Research Council versus some commonly used software, J. Dairy Sci. 81 : 3049-3062.

MARTINSSON, R. 1992. Effects of conservation method and access time on silage intake and milk production in dairy cows. Grass and Forage Sci. 47 : 161-168.

MARTINSSON, R. and Burstedt, E. 1990. Effects of length of access time to feed and allotment of hay on grass silage intake and production in lactating cows. Swed. J. Agric. Res. 20 : 109-176.

NRC 2001, National Research council. Nutrient Requirements of dairy cattle. 7th Revised edition. Washington D.C. National Academy of Sciences. p. 381.

NRC, 1996. National Research Council. Nutrient Requirements, of beef cattle. 7th Revised edition. Washington D.C. National Academy of Sciences. p. 242.

Baker, C.C., Coppock, C.E., Lanham, J.K., Nave, D.H., Labore, J.M., Brasington, C.F. and Stermer, R.A. 1988, Chilled drinking water effects on lactating Holstein cows in summer. J. Dairy Sci. 71 : 2699-2708.

Wilks, D.L., Coppock, C.E., Lanham, J.K., Brooks, K.N., Baker, C.C., Bryson, W.L., Elmore, R.G. and Stermer, R.A. 1990. Responses of lactating Holstein cows to chilled drinking water in high ambient temperature. J. Dairy Sci. 73 : 1091-1099.