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Après la pollinisation, les abeilles se lancent en phytoprotection



Phytoprotection et agriculture biologique riment souvent avec… défi majeur! Et bien souvent, un problème à surmonter génère des idées innovantes et originales. En régie biologique, l’usage de biopesticides est une solution de deuxième recours, après l’application de bonnes pratiques et la gestion rigoureuse des cultures. Mais parfois, c’est une étape incontournable.


Et s’il était possible d’introduire ces biopesticides de façon « chirurgicale », au bon moment et en quantité minime? Substituez aux pulvérisateurs des insectes chargés de disséminer des biopesticides et vous obtiendrez une nouvelle technique : l’entomovection!  
 

L’entomovection est une technologie utilisant des insectes comme vecteurs de transmission pour la lutte biologique contre les maladies et les parasites des plantes. Ces insectes sont généralement des abeilles ou des bourdons qui épandent naturellement, par leur activité de butinage, des biopesticides dans les fleurs et les organes à risques vis-à-vis des maladies, notamment de la moisissure grise (Botrytis cinerea). En effet, les abeilles et les bourdons excellent dans le transport de petites particules, de grains de pollen, de spores fongiques et de cellules bactériennes.
 

Comment est-ce que cela fonctionne?
Des ruches modifiées sont munies d’un « distributeur » installé à leur sortie où la butineuse se charge de particules. En fait, elle marche dans un couloir à sens unique, tapissé de poudre qui ira s’accrocher à ses pattes. Au bout du couloir, c’est le décollage! Direction : les fleurs gorgées de pollen. Ces fleurs en attente d’être pollinisées recevront au passage une poudre contenant la substance qui les aidera prochainement… Des spores vivantes, constituants du biopesticide, vont mener le combat contre le pathogène sur plusieurs fronts : compétition pour les nutriments, colonisation et hyperparasitisme. Avec un succès bourdonnant!
 

L’entomovection constitue un développement prometteur pour la culture biologique en serre, selon Liette Lambert. Conseillère en serriculture maraîchère et petits fruits au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), Mme Lambert a exposé une foule d’approches pour le contrôle phytosanitaire lors du Colloque bio du CRAAQ1, en novembre dernier. Alors que l’entomovection pointe à l’horizon au Canada, le recours aux biopesticides constitués de spores de champignons a déjà fait ses preuves : Gliocladium catenulatum, Beauvaria bassiana et Trichoderma harzanium sont tous des champignons qui permettent d’en contrer d’autres. La nouveauté réside dans leur mode de dissémination.

Les balbutiements de l’entomovection comme technique innovante ont eu lieu dans les années 1990 en Europe. Deux décennies plus tard, les pionniers finlandais en ont démontré l’efficacité en contexte commercial, en plus de vérifier l’absence d’effets néfastes pour les abeilles. Entre 2006 et 2014, les chercheurs ont suivi 23 fraisières commerciales où des abeilles ont été utilisées pour disséminer l’agent biologique d’origine fongique Gliocladium catenulatum (commercialisé sous le nom de PrestopMD) qui a un effet répressif sur le champignon Botrytis cinerea. Les chercheurs ont observé 47 % de réduction de la maladie sous forte pression de Botrytis et 66 % de réduction dans les fraisières sous faible pression du champignon pathogène. Ils ont même démontré qu’une faible dose du biopesticide (400 g/ha/saison) était efficace : une économie substantielle pour l’entreprise! D’ailleurs, plus de 500 hectares de fraises sont traités grâce à cette technique en Finlande. Les auteurs croient que l’entomovection contribuera à améliorer la compétitivité de la production de petits fruits biologiques.
 

Abeilles et bourdons ne sont pas les seuls candidats pour l’entomovection : des acariens prédateurs peuvent également disperser des biopesticides. Tomate, concombre, fraise, bleuet, poire, pomme, cerise… les possibilités d’application en cultures commerciales sont nombreuses. Il suffit de trouver un biopesticide capable de germer et de coloniser des fleurs et compatible avec le vecteur (insecte).
 

Malgré des perspectives prometteuses, l’entomovection n’est pas une formule magique : elle doit être incluse dans un plan comportant d’autres mesures de contrôle et accompagnée d’un dépistage efficace. « Il n’y a pas d’âge pour le dépistage, c’est important et cela fait partie des bases; il faut absolument observer et réfléchir avant d’agir » sont des principes intemporels enseignés par Liette Lambert pour la réussite de la lutte biologique intégrée.


Cet article a été originalement publié sur le site de La Terre de chez nous,  en octobre 2018. 

 

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Organisation : Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ)
Date de publication : 16 mai 2019
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