Maïs: rendement et environnement ne sont pas incompatibles

Maïs : rendement et environnement ne sont pas incompatibles
 
Louis Robert
Agronome, conseiller en grandes cultures
MAPAQ – Direction régionale de la Montérégie
 
La qualité de l’eau de plusieurs rivières québécoises s’améliore, mais il reste du travail à faire. À titre d’exemple, même si les concentrations et les charges moyennes annuelles de phosphore (P) total ont diminué sensiblement de 1979 à 2013, 98 % des échantillons d’eau prélevés dans les différentes rivières de la Montérégie dépassent encore le critère d’eutrophisation (0,03 mg P/L)[i].
 
Les producteurs et productrices agricoles ont, au cours des années, amélioré leurs pratiques pour tenir compte de la préservation de l’environnement. Peuvent-ils faire davantage, tout en conservant de bons rendements? Certainement! Voici quelques pistes…
 
Saviez-vous que les recommandations agronomiques québécoises de fertilisation, en particulier pour le phosphore, le potassium (K) et l’azote (N) sont considérées comme parmi les plus élevées en Amérique du Nord?[ii]
 
Dans la plupart des cas, on se retrouve aujourd’hui à cultiver des sols dont la richesse est déjà suffisante pour soutenir des rendements toujours plus hauts, avant même que l’on ait ajouté un gramme d’engrais! Toutes les analyses des groupes conseils agricoles, peu importe la région, la culture ou l’année, démontrent que les producteurs enregistrant les meilleurs rendements bruts sont aussi ceux qui appliquent le moins d’engrais, et par le fait même dégagent la meilleure marge de profit nette par hectare.
 
Une étude réalisée au Vermont, dans un bassin versant où la production laitière est dominante, rapportait que 85 % du phosphore se trouvant dans les cours d’eau drainant ces fermes provenait du phosphore appliqué en excès des besoins des cultures (fertilisation organique et minérale) ou en excès des besoins alimentaires des troupeaux (dans les rations).[iii]
 
Plusieurs indicateurs nous amènent à croire qu’on applique de plus en plus d’azote pour cultiver le maïs. Une quantité totale au-dessus de 200 kg N/ha n’est plus exceptionnelle, mais plutôt la norme pour certains producteurs. Parmi les raisons expliquant cette hausse, mentionnons : la valeur relative de la récolte versus le coût de l’engrais, la dégradation de la structure de sol (compaction et pulvérisation) diminuant l’efficacité des apports d’engrais, ainsi que les anecdotes plus ou moins vérifiables de rendements records, entretenues entre autres par la fausse croyance qu’il existe un lien entre le rendement visé et les besoins de la culture.
 
Les objectifs agronomiques, économiques et environnementaux ne sont pas du tout incompatibles. Bien au contraire : les producteurs et productrices peuvent obtenir de forts rendements, tout en réduisant leurs coûts de production et les impacts environnementaux. Pour ce faire, il faut toutefois changer notre approche en gestion des intrants agricoles.
 
 
Comment y arriver? En utilisant, par exemple, le test de nitrates en post-levée dans le maïs. Ce test, qu’on appelle en anglais le Pre-Sidedress Nitrate Test (PSNT), est un élément-clé du calcul de la recommandation d’azote en Ontario et dans le nord des États-Unis depuis plusieurs années. Il permet des réductions moyennes du tiers de l’azote appliqué au maïs, sans risque de perte de rendement.
 
Une autre technique très simple à implanter : la mise en place d’un réseau de parcelles témoins sur les fermes (lisières sans N, sans P, etc.). Ces parcelles « sentinelles » serviraient deux fins : aider à mieux cibler la bonne dose pour le contexte de la ferme ou du champ et permettre une évaluation de la fertilité globale des sols.
 
Finalement, il faudrait que les bandes riveraines (3 m au-dessus de la ligne des hautes eaux) soient mieux respectées. Même en terrain plat, les champs qui sont cultivés trop près des fossés et des cours d’eau ne peuvent contenir l’eau ruisselée et les sédiments chargés de phosphore et de pesticides.
 
Des solutions, il y en a! N’hésitez pas à faire appel à votre club-conseil en agroenvironnement ainsi qu’à vos conseillères et conseillers du MAPAQ.
 
 
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La riviere noire
La rivière Noire, près de la station d’échantillonnage de Saint-Pie, en Montérégie
crédit photo : Louis Robert

 

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[i] Source : Organisme de bassin versant de la Rivière Yamaska, Plan directeur de l’eau; cité dans « Rivière Yamaska : L’état des lieux », Le Courrier de St-Hyacinthe, 7 juillet 2016, p. A8.
[ii] Source : Robert, L. 2008. Analyse comparative des recommandations québécoises de fertilisation phosphatée pour le maïs-grain. Cahier de conférences  du 22e Congrès annuel de l’Association québécoise de spécialistes en science du sol,  Ville de St-Georges, 2 au 5 juin 2008.
[iii] Source : Cotanch, K., Ballard, C., Emerich, W., Sniffen, C., et Thomas, E. 2003. The feeding of supplemental phosphorus of dairy farms in the Lake Champlain basin: An education/demonstration project. Final Report, January 9, 2003.