Apiculture - Chronique No 31 - 21 avril 2023

Image Agri-Réseau
AU RUCHER CETTE SEMAINE
21 avril 2023


Le nourrissage printanier

Pour assurer la survie de certaines colonies à la suite de l’hivernage, et pour accélérer légèrement le développement des colonies au printemps, il est parfois judicieux de leur fournir un apport supplémentaire de ressources nutritives. Cette chronique traite du nourrissage d’appoint avec du sirop. Les suppléments protéiques feront l’objet de la chronique de la semaine prochaine.
 

Printemps 2023
Ce printemps, il semble que les colonies aient plus de couvain operculé qu’à l’habitude à la sortie de l’hivernage, particulièrement pour les colonies hivernées en caveau. Cela implique deux choses :

  1. Ces colonies vont consommer davantage de ressources (sirop et pollen) pour nourrir les larves en développement et conserver la chaleur du couvain. Les ruches qui sont légères au déballage ou à la sortie de l’hivernage doivent être nourries rapidement, soit immédiatement après le déballage ou le lendemain. Les réserves des ruches dont le poids est considéré « moyen » doivent être vérifiées périodiquement (aux 3-5 jours), car les réserves peuvent diminuer rapidement et elles peuvent mourir de faim. Une vérification régulière est nécessaire jusqu’à ce que le nectar provenant des fleurs soit disponible.
  2. Le varroa a déjà commencé à se reproduire dans le couvain et leur nombre pourrait augmenter rapidement. Il ne faut pas négliger le premier dépistage, qui doit être fait dès que possible, jusqu’à maximum 2 semaines avant la floraison des premiers pissenlits (environ au 15 mai pour la région de Québec, 1 à 2 semaines plus tôt pour les régions plus au sud – Montérégie, Montréal, Centre-du-Québec - et 1 à 2 semaines plus tard pour les régions plus au nord – Saguenay-La-St-Jean, Lanaudière, Gaspésie). Consultez la chronique du 6 avril 2023 pour connaître les seuils de traitements printaniers et choisir le traitement approprié si le seuil est atteint.


Le nourrissage d’appoint avec du sirop

Le nourrissage printanier avec du sirop de sucre est un nourrissage d’appoint qui peut permettre de sauver une colonie dont les réserves sont faibles au printemps. En général, lorsque le nourrissage automnal a été fait correctement, seulement une faible proportion des colonies ont besoin d’un nourrissage d’appoint au printemps. Le nourrissage printanier se fait sur une courte période uniquement (quelques jours, au maximum 2-3 semaines), le temps que les ressources externes soient disponibles. Seules les colonies légères (moins de 25 kg  pour les ruches à 1 hausse, moins de 40 kg pour 2 hausses) doivent être nourries. Il s’agit également de donner une quantité limitée de sirop, soit 4 à 5 litres au maximum, à raison d’un ou 2 litres à la fois. Même si les abeilles vident rapidement le nourrisseur, il ne faut pas leur donner du sirop à volonté! Elles vont emmagasiner le surplus, ce qui laissera peu de place à la reine pour pondre et ralentira le développement de la colonie. Il vaut mieux donner de petites quantités un peu plus fréquemment. 


Sirop 1 :1 ou sirop 2 :1

Au printemps, il faut donner du sirop dilué, soit du sirop 1 :1 (1 kg de sucre dilué dans 1 kg d’eau). Cela a un effet stimulant sur la colonie, ce qui permet aux abeilles de le consommer immédiatement. Le sirop 2 :1 (2 kg de sucre dilué dans 1 kg d’eau) se rapproche davantage de la consistance du miel et les abeilles ont tendance à l’entreposer dans les alvéoles. Il prend aussi plus de place dans la ruche, ce qui laisse moins d’espace à la reine pour pondre. 

Par contre, pour les ruches très faibles et celles qui présentent des signes aigus de famine (abeilles agitées sur le dessus des cadres), un nourrissage au sirop 2 :1 peut être une bonne idée, étant donné qu’il est plus concentré. Les abeilles auront besoin de moins d’énergie pour le transférer dans les alvéoles et il nécessite moins d’évaporation.
Pour des températures extérieures froides (moins de 10-12°C), il est aussi avisé de fournir un sirop tiède ou chaud plutôt que froid, ce qui aide les abeilles à le consommer et à l’entreposer plus rapidement. 


Les types de nourrisseurs à utiliser

Plusieurs types de nourrisseurs peuvent être utilisés au printemps. Il faut choisir la bonne option en fonction de la température et de la taille de la colonie.
 
Un nourrisseur cadre

Un nourrisseur cadre

© Martine Bernier

Nourrisseur cadre :
Le nourrisseur cadre s’insère à même la colonie et remplace un cadre de la hausse. Il doit contenir un flotteur ou un grillage pour permettre aux abeilles de s’y accrocher et éviter la noyade. C’est une option de choix lorsque la température extérieure est sous 10-12°C et pour les colonies faibles. En effet, les abeilles auront accès au sirop directement à l’intérieur de la ruche et ce sirop va rester plus chaud que s’il était exposé à l’air libre. Pour installer le nourrisseur cadre, il faut ouvrir la ruche, retirer un cadre sur lequel il n’y a pas d’abeilles adultes ou de couvain et le remplacer par le cadre nourrisseur, puis remplir le nourrisseur. Ce cadre doit aussi être placé relativement proche de la grappe d’abeille pour que celles-ci y aient accès facilement, surtout si la colonie est faible. Cependant, à des températures froide, l’installation du cadre nourrisseur doit se faire très rapidement afin d’éviter de refroidir la grappe d’abeille. Une alternative à l’utilisation du nourrisseur cadre, surtout lorsque la température est inférieure à 0°C, est l’utilisation de fondant. Le sac de fondant se place sur le dessus de la hausse et requiert une ouverture minimale de la ruche.

Un nourrisseur d'entrée, de type Boardman

Un nourrisseur d'entrée, de type Boardman

© Martine Bernier

Le nourrisseur d’entrée (par exemple, Boardman ou pot Masson) :
Le nourrisseur d’entrée permet de nourrir facilement et rapidement les abeilles et ne nécessite pas l’ouverture de la ruche. Son volume est plus petit : on peut y mettre 1 à 2 litres à la fois. Cependant, ce nourrisseur doit être utilisé lorsque la température extérieure est supérieure à 10-12°C, car si les températures sont trop froides, les abeilles ne seront pas en mesure de récupérer le sirop, même si elles en ont besoin. Idéalement, on devrait y mettre seulement du sirop tiède ou chaud, pour favoriser la prise par les abeilles.

 
Un nourrisseur de surface, de type Miller, avec de la paille comme flotteur


Un nourrisseur de surface, de type Miller, avec de la paille comme flotteur

© Martine Bernier

Le nourrisseur de surface (par exemple, Miller, ou chaudière retournée) : Le nourrisseur de surface se place sur le dessus de la hausse. Il devrait aussi être utilisé seulement lorsque la température extérieure est supérieure à 10-12°C, sinon, les abeilles risquent de ne pas aller à l’intérieur. La prise de sirop est meilleure lorsque les colonies sont plus fortes. Le nourrisseur Miller doit être utilisé soit avec un flotteur (bois ou paille) ou avec le chapeau de cheminée fournie à l’achat. Cependant, le nourrisseur de surface de type Miller est un grand volume supplémentaire que les abeilles doivent réchauffer. Il faut le retirer après quelques jours, dès que la prise de sirop est terminée, afin de préserver l’énergie des abeilles. Pour le nourrisseur de type chaudière retournée, une hausse vide devrait être placée autour de la chaudière. Ce nourrisseur a une moins grande surface de contact que le nourrisseur Miller (donc pas autant d’espace à réchauffer pour les abeilles) et il peut rester un peu plus longtemps sur les ruches. 


En bref : 
  • Sous 10-12°C et colonie faible : nourrisseur cadre ou fondant;
  • Sous 10-12°C et colonie forte : nourrisseur de surface;
  • Au-dessus de 10-12°C : toutes les options de nourrisseur.


Les bonnes pratiques de nourrissage et le voisinage

En période de faibles ressources florales, comme au printemps, les abeilles ont tendance à chercher toutes les sources de sucre disponibles, que ce soit celles fournies par l’apiculteur propriétaire des ruches… ou par un apiculteur voisin! Une bonne pratique apicole et de bon voisinage consiste à s’assurer que le sirop donné à nos colonies est uniquement pour nos colonies et non pas celles du voisin, pour éviter de perturber leur régie ou de risquer de disséminer des maladies par le pillage. 

On devrait donc favoriser du matériel en bon état (nourrisseur sans fuite) et le nourrissage individuel plutôt que du nourrissage collectif (par exemple en baril). Au printemps, le nourrissage collectif est peu efficace, de toute façon, car les températures froides ne permettent pas aux abeilles de voler très loin. 

De plus, si des antibiotiques sont ajoutés au sirop, il est impératif de faire un nourrissage individuel.



Bulletin rédigé par Martine Bernier, responsable du transfert technologique et de la formation en apiculture | CRSAD
Révisé par Julie Ferland, responsable provinciale en apiculture | MAPAQ et par Georges Martin, chargé de projets | CRSAD