La patate douce, un légume qui a le vent dans les voiles… ou presque!



Il se mange de plus en plus de patates douces dans les foyers canadiens. Entre 2007 et 2012, la quantité annuelle consommée a presque doublé, passant de 0,72 kg à 1,43 kg par personne. Bien qu’on l’estime aujourd’hui à 1,5 kg par personne, nous sommes encore loin de celle des Américains, qui se situe autour de 3,3 kg par personne… mais si la tendance se maintient, dans moins de dix ans, nous y serons peut-être.

Pour répondre à la demande croissante de consommation, le Canada doit importer chaque année une grande quantité de patates douces en provenance des États-Unis, principalement de la Caroline du Nord. En 2019, 68 550 tonnes métrique (TM) de patates douces sont entrées au Canada. Bien que la production annuelle canadienne soit d’environ 16 500 TM cultivées sur un peu plus de 800 hectares, principalement dans le sud de l’Ontario, elle n’est pas près de combler les besoins! Il y a donc de la place pour augmenter la production de patate douce au Québec et ailleurs au Canada.


Ne pas confondre patate douce et pomme de terre

La patate douce a été découverte au Pérou il y a 10 000 ans, puis cultivée depuis plus de 3 000 ans dans les régions tropicales de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale. Aujourd’hui, elle se cultive sur presque tous les continents.

La patate douce (Ipomoea batatas) appartient à la famille des Convolvulacées qui comprend, entre autres, le liseron des champs et les gloires du matin. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la patate douce n’a pas grand-chose en commun avec la pomme de terre qui, elle, est de la famille des Solanacées. Le mode de plantation est une autre différence majeure entre les deux légumes. Dans le cas de la patate douce, on plante des boutures, qui sont en fait des sections de tiges non enracinées, aussi appelées « slips » en anglais. Celles-ci sont plantées lorsque le sol atteint plus de 15 oC. Appréciée pour ses racines charnues, les feuilles et les fleurs de la patate douce sont aussi comestibles.

La patate douce se cultive en climat chaud. Les variétés les plus consommées et cultivées en Amérique du nord sont la Covington et l’Orleans, développées respectivement par l’Université d’État de la Caroline du Nord et celle de la Louisiane. Au Canada, ces variétés sont cultivées presque exclusivement dans le sud de l’Ontario où les rendements sont excellents lorsque les étés sont chauds. Les exigences climatiques rendent toutefois la culture de ces variétés plus aléatoire dans les régions plus au nord.


La recherche en Ontario

Voyant dans la patate douce des opportunités d’affaires pouvant avoir de belles retombées pour l’ensemble de la province, le milieu agricole ontarien s’est concerté pour en faire une priorité. En 2012, le Centre de recherche et d'innovation de Vineland mettait sur pied son programme d’amélioration génétique de la patate douce en partenariat avec l’Université d’État de la Louisiane. L’objectif était de développer des variétés plus adaptées au climat canadien. Les trois premières années ont été consacrées au tamisage et à la sélection de plants mères les plus prometteurs parmi les 2 830 nouvelles lignées génétiques en provenance du sud des États-Unis.

De 2016 à 2019, des essais agronomiques ont été faits en champ, en Ontario, au Québec, en collaboration avec le MAPAQ, et dans d’autres provinces. Les meilleurs éléments de la sélection ont été pris et ils ont été comparés aux variétés Covington et Orleans. De tous les essais effectués au Québec et ailleurs au Canada, la variété V12B-445 développée par Vineland, maintenant commercialisée sous le nom de Radiance, a toujours bien performé, ayant des rendements supérieurs aux variétés américaines. Contrairement à ces dernières qui nécessitent une saison de croissance de plus de 130 jours, la Radiance atteint la maturité 11 à 20 jours plus tôt. Davantage adaptée au climat du sud du Québec, la Radiance a aussi de quoi plaire aux consommateurs canadiens avec sa peau cuivrée et sa chair d’un orange vif!


Radiance et plasticulture

Mieux adaptée au climat canadien que les variétés Covington et Orleans, la Radiance nécessite néanmoins des conditions chaudes et une saison de croissance variant entre 110 et 120 jours. Des essais faits dans le sud de la Montérégie démontrent de façon claire que pour atteindre des niveaux de rendements optimaux, la variété Radiance doit être cultivée sur des buttes de sol recouvertes de paillis de plastique noir plutôt que directement au sol. Le paillis réchauffe le sol, permet une plantation plus hâtive et augmente le taux de survie des boutures. De plus, les rendements commercialisables sont augmentés de près de 50 % par rapport à une plantation sur un sol nu.

Avec des rendements supérieurs à 30 tonnes métriques à l’hectare, Radiance s’avère une variété intéressante pour des entreprises du sud du Québec familières avec la plasticulture qui visent principalement le marché des produits frais.


Des recherches québécoises pour des variétés plus tolérantes au froid

L’entreprise Nordany inc. est le plus grand importateur de patates douces au Québec. Voyant de potentielles retombées positives, l’entreprise s’est donné comme mission le développement de nouvelles variétés de patates douces à maturité rapide issues de lignées tolérantes au froid. Grâce à son responsable scientifique, le Dr Carlos Martin, 700 lignées génétiques provenant du Centre international des pommes de terre au Pérou ont été testées au champ sans paillis de plastique ni irrigation, dans la région de Nicolet, en 2019. Avec le financement du MAPAQ, les recherches se sont poursuivies en 2020. En juin 2021, ce sont les 24 lignées les plus performantes qui seront testées dans différentes régions au Québec ainsi qu’en Ontario et au Nouveau-Brunswick. Parallèlement, de nouvelles lignées génétiques du Pérou seront également ajoutées et testées. Le but des essais est de trouver une ou des variétés pouvant être cultivées sans paillis de plastique prêtes à être récoltées après 90 à 100 jours de croissance.

La commercialisation de telles variétés permettrait l’essor à grande échelle de la culture de la patate douce au Québec et ailleurs au Canada, pour le marché de la transformation comme pour celui du marché des produits frais.


La production de bouture…un défi et un frein potentiel
 
Image Agri-Réseau

Boutures de patate douce

Nadia Surdek

Les boutures nécessaires à la production de patate douce doivent être produites massivement, à faibles coûts. Seulement pour combler le besoin en boutures des 800 hectares de patates douces produites en Ontario, les producteurs doivent importer 24 millions de « slips » de la Caroline du Nord. Le Canada n’est pas en mesure de faire la multiplication de boutures en plein champ, comme dans le sud des États-Unis, parce qu’il fait trop froid. Produire les boutures en serre est la seule alternative possible au Canada. Pour remplacer les importations de patates douces, c’est autour de 1 600 hectares additionnels de variétés davantage rustiques qui pourraient être plantés au Canada. Ceci représente un marché potentiel de plus de 48 millions de boutures. Souhaitons que des producteurs serricoles canadiens répondent à l’appel, car l’expansion de la production de la patate douce au pays en dépend.




Références utiles :
Guide de production de la patate douce 
  • https://www.craaq.qc.ca/Publications-du-CRAAQ/guide-de-production-patate-douce/p/PLEG0103

Production de boutures de patates douces dans les serres canadiennes
  • https://www.vinelandresearch.com/wp-content/uploads/2020/03/Sweet-potato-slip-production-in-Canadian-greenhouses-in-French.pdf