La morphologie des mycorhizes

La mycorhize arbusculaire est la forme usuelle chez les plantes agricoles. On a vu dans le billet L’origine et l’évolution des mycorhizes qu’il s’agit de la toute première symbiose ayant permis l’émergence des plantes, il y a 400 millions d’années et de les accompagner tout au long de leur évolution avec les champignons gloméromycètes. Pour comprendre comment elles transforment la vie des plantes et comment on peut les utiliser, il faut d’avoir voir comment elles sont faites.
 
La racine primaire se voit d’abord colonisée par le mycélium du champignon, phase intraracinaire, pour ensuite se développer dans le sol, phase extraracinaire. Dans le cortex de la racine, on observe les arbuscules constitués par du mycélium très ramifié de manière à augmenter la surface de contact entre le champignon et l’intérieur des cellules (cytoplasme).

On comprendra que c’est la structure critique de la symbiose où l’échange de services s’effectue. On observe aussi quelques vésicules, un organe de propagation mineur. La phase extraracinaire est constituée d’un mycélium qui s’étend dans le sol pour aller chercher l’eau et les nutriments. Sur ce réseau se forment de grosses spores, structures résistantes essentielles à la reproduction.

 
Le mycélium de ces champignons comporte une cytologie (ou fonctionnement cellulaire)  exceptionnelle. Il s’agit d’un cénocyte, c’est à dire d’un système tubulaire sans aucun septum (ou paroi entre les cellules) et dans lequel circulent d’innombrables noyaux. Dans ces tubes on observe un mouvement de particules bidirectionnel permettant de distribuer les sucres obtenus de la plante vers le réseau mycélien et de ramener simultanément les éléments minéraux puisés dans le sol. On peut observer ce mouvement bidirectionnel très rapide sous le microscope.

 


Sous un mètre carré de prairie, on observe 10 m2 de surface racinaire et 100 m2 de surface mycélienne. Est-ce la racine, comme on le pense couramment, qui permet le contact entre le sol et la plante, ou le réseau mycélien ? Ceci aura d’énormes conséquences pour comprendre le fonctionnement des mycorhizes et leur utilisation en agriculture.
 
Les spores des gloméromycètes sont également uniques dans le monde vivant, et sont complètement méconnues des cytologistes (scientifiques qui étudient les cellules). Elles se forment sur le réseau mycélien en accumulant les produits de la photosynthèse reçus de la plante. Elles comportent une paroi cellulaire épaisse et résistante permettant leur survie contre divers stress. On y trouve d’importantes réserves de lipides. La chose la plus étonnante, c’est que l’on y trouve 2 ou 3 milliers de noyaux qui ne sont pas tous génétiquement identiques, leur conférant une plasticité génétique qui s’exprimera par une grande plasticité écologique. En d’autres mots, les gloméromycètes ont la capacité de se modifier et de s’adapter selon les variations du milieu et selon les plantes présentes.
 
Les gloméromycètes, les champignons exclusivement impliqués dans les mycorhizes arbusculaires, comportent un peu plus de 250 espèces, pour accommoder plus de 350 000 espèces de plantes, dans des environnements des plus variés.  Évidemment, on retrouve plusieurs familles et genres, mais la famille la plus importante en pratique est celle des glomales et notamment le genre Glomus. On verra que parmi toutes ces espèces, le Glomus irregulare (Rhizoglomus irregulare) est l’espèce la plus utilisée au monde et surtout l’isolat de Pont-Rouge (DAOM 196197), que nous avons isolée en 1977. C’est grâce à sa grande plasticité génétique que ce champignon exceptionnel peut s’imposer jusqu’ici comme le plus utile et le plus polyvalent pour l’agriculture, ici comme ailleurs.
 
Pour en savoir plus : Les mycorhizes : l’essor de la nouvelle révolution verte, MultiMondes, 2015
 

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