Mycorhizes et nutrition phosphatée des plantes

Nous avons vu dans le premier billet que dès leur apparition sur terre, les plantes vasculaires ont été confrontées à une seule source de phosphore (P), la fluoroapatite provenant de cendres volcaniques. Encore aujourd’hui, la presque totalité des plantes de la planète obtiennent leur P à partir de ce minéral, abondant dans la croute terrestre. L’érosion des montagnes par les glaciers a distribué la fluorapatite sous forme de granulations plus ou moins grossières. Bien que la presque totalité plantes terrestres obtiennent leur P de cette source, elle n’a jamais eu la cote dans le monde agronomique, considérée comme difficile à attaquer par les acides industriels.

Pour rencontrer les besoins en P des plantes, on a plutôt opté pour les dépôts sédimentaires marins ramenés vers la surface et constitués essentiellement de phosphate tricalcique, que l’on traite avec de l’acide sulfurique. On obtient ainsi de l’acide phosphorique et du sulfate de calcium, un rejet encombrant sur des dizaines d’hectares et des hauteurs impressionnantes près des usines. Le soufre viens souvent de l’Afrique du sud et traverse les mers. Bref, ce procédé est énergivore et polluant incluant le au niveau des émissions de CO2.  Une fois l’acide phosphorique produit, on ne peut pas l’étendre dans les champs tel quel. On le neutralise, soit avec du potassium ou de l’ammonium, pour produire des phosphates de potassium ou d’ammonium, très commodes pour l’épandage et assurant la complémentarité des fertilisants.

Ceci amène la question suivante : uels sont les mécanismes que les plantes de la planète utilisent pour obtenir leur P à partir de la fluorapatite d’origine ignée.
 
ce`pe:Users:andrefortin:Desktop:champignon_phosphate_roche_francais 2.jpg
La présence de bactéries solubilisant les phosphates (BSP) de roche dans les sols est bien connue. Mais, pour exercer leur activité, ces bactéries sont continuellement en quête d’énergie en compétition avec tous les autres microorganismes du sol. Nous avons proposé l’hypothèse que des bactéries étroitement associées aux mycéliums des champignons mycorhiziens arbusculaires auraient plus de chance d’obtenir de l’énergie à partie de cette ligne de transmission d’énergie provenant de la photosynthèse de la plante. Cette hypothèse a été brillamment démontrée par la doctorante Salma Taktek, à l’université Laval. En effet, elle a observé des BSP particulièrement efficaces à dissoudre la fluorapatite s’accolant à la surface du mycélium pour former des biofilms et solubiliser efficacement l’apatite par production d’acides organiques. On parle d’une triple symbiose.
En utilisant le concentré d’apatite de la minière québécoise en développement, Arianne Phosphate, contenant 17% de P et 35% de Ca, en présence à la fois de l’inoculum mycorhizien de Premier Tech et de la meilleure BSP, il a été possible d’obtenir en serre, des maïs aussi bien développés que ceux fertilisés avec le superphosphate.

Cette découverte a mérité au Dr Taktek la mention d’une des dix découvertes de l’année de Québec Science 2015, avec en plus le prix du public.

Basé sur la compréhension des processus naturels (voir aussi le billet précédent La morphologie des mycorhizes), on comprendra que cette découverte ouvre une toute nouvelle perspective pour rencontrer les besoins en P (et aussi en Ca) des plantes agricoles, Cette forme de P insoluble en absence de la triple symbiose, ne risque pas d’être entrainée dans la nappe phréatique, sans compter les réductions dans les coûts de fertilisation.  Cette piste nécessitera un programme de R&D d’envergure pour en vérifier le fonctionnement aux champs
 
C’est à suivre !

Lire le billet précédent                                                                                                                    Lire le billet suivant