Le sucre, nouvel ingrédient dans la recette pour le soya


On nous promet souvent des hausses de rendements impressionnantes par l’ajout de  produits à nos façons culturales. Parfois, pour prouver l’efficacité d’un produit, on relate une observation localisée, dans un champ, où il est impossible de vraiment démontrer que le fort rendement est le résultat du produit en question, faute de méthode rigoureuse d’évaluation. C’est le cas présentement avec l’application foliaire de sucre dans la culture du soya. Ce n’est cependant pas nouveau comme argument, mais un truc vieux comme le monde…

Devant une telle situation, on devrait vérifier 1) s’il existe des essais scientifiquement rigoureux qui ont évalué les effets prétendus; et si oui, 2) quels ont été les résultats et conclusions. Dans le cas particulier de l’application de sucre pour le soya, il y a déjà dans la proposition des éléments un peu farfelus, qui peuvent surprendre quiconque a un esprit le moindrement critique : l’absence de nutriments ou de promoteurs de croissance (ce ne sont que des hydrates de carbone), la dose infinitésimale (moins de 1 kg/ha), le manque d’explication qui associerait un tant soit peu le produit et le rendement promis (aucun essai n’a été complété encore), etc. Bref, c’est soit magique ou mystérieux, et on nous demande d’y croire, pas de comprendre…

Il y aurait donc déjà pas mal de raisons d’être sceptique et de ne pas s’aventurer à perdre du temps à mettre en place des essais, la crédibilité n’y étant tout simplement pas. D’autant plus que des expériences rigoureuses sur le sujet ont déjà été menées, dans le Midwest, cette fois avec un protocole de recherche, par des organismes neutres et reconnus (en l’occurrence l’université du Wisconsin), et publiées dans des périodiques crédibles (Furseth, B., Davis, V.M., Casteel, S.N., Naeve, S.L., et Conley, S.P. 2011. Soybean seed yield was not influenced by foliar applications of sugar. En ligne : Crop Management doi : 10.1094/CM-2011-0615-01-BR).

Les essais ont été menés en 2010 dans 4 sites de 4 états différents : Wisconsin, Illinois, Indiana, et Minnesota. À chaque site, 9 traitements ont été comparés : 4 formulations de sucrose/fructose appliquées à 2 périodes (4 feuilles trifoliées, début floraison) et un témoin sans sucre. Il n’y a eu aucun effet significatif des traitements, ni sur les plants, ni  sur le rendement en grains de soya à aucun site, les rendements moyens étant partout autour de 60 à 65 boisseaux à l’acre (4,0 à 4,5 t/ha). Évidemment, les coûts d’application eux sont bien réels ($15 à $20/ha).

Tout ça rappelle un peu les prétentions associées il y a quelques années aux engrais foliaires pour le soya. Là encore, on nous présentait des observations localisées de rendements spectaculaires. Il y avait cependant un fondement théorique plus crédible dans ce cas : l’apport d’éléments mineurs essentiels. Nous avons consulté les travaux de recherche qui avaient été effectués dans différents contextes: Québec, Ontario, Kentucky, Iowa,… plus de 60 dispositifs, le même constat d’absence d’effet significatif. Les chercheurs expliquaient ainsi leurs résultats : le feuillage était pratiquement incapable d’absorber des nutriments, et les situations de carence en éléments mineurs sont très rares. Les essais chez les producteurs n’ont pas été plus concluants, sans surprise.
Comme les autres cultures, le soya est sensible aux mauvaises conditions du sol, qui sont observées de plus en plus fréquemment. Pensons au manque de structure, à la pulvérisation des particules par un travail de sol trop intensif, au manque d’aération et à la compaction. Aussi nous savons que dans les rotations courtes de type maïs/soya par exemple, où le soya revient trop fréquemment, les maladies racinaires peuvent réduire considérablement le rendement sans que des signes soient apparents sur les parties aériennes.

Bref, il y aurait certainement d’autres avenues plus prometteuses à explorer pour obtenir des rendements supérieurs de soya, dont l’amélioration de la qualité de sol et les rotations diversifiées.

Merci à ma collègue du Centre-du-Québec, Brigitte Duval, agr pour le sujet proposé.
 Lire le billet suivant