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Régions

Appellations réservées : nouvelles du front


Une fois n’est pas coutume ; j’emploie un lexique guerrier pour donner quelques nouvelles d’un thème qui m’est cher, celui des appellations réservées. Si j’utilise un tel vocabulaire, c’est que l’actualité, en particulier économique, ressemble de plus en plus à un terrain militaire où il ne s’agit plus que de conquêtes (de marchés, de positions dominantes, etc.) ou de mesures de protection.
 
Oui, les appellations réservées sont des mesures de protection, mais une protection d’une toute autre nature. Dans un récent reportage[1], Émilie Gautreau, journaliste à Franceinfo, rappelle que « les appellations d'origine permettent d'identifier la provenance et le savoir-faire liés à un produit ».
 
Elle ne parle pas de protection, mais de communication. Et c’est cette communication qui, avec l’appellation, qu’elle soit d’origine ou réservée, protège un produit, dans sa double dimension d’origine et de fabrication, contre l’usurpation et le vol d’identité. À travers ces appellations, ce sont des ressources naturelles, des êtres humains et des territoires qui sont ciblés. Il nous faut insister sur cette notion car elle est fondamentale. Le développement des appellations réservées et le développement des régions du Québec sont extrêmement liés.
 
À cet égard, il faut lire un récent texte[2] de Bernard Vachon, Professeur retraité du département de géographie de l’UQAM. Dans une sorte de testament politique, Bernard Vachon nous redit combien les régions du Québec appartiennent encore et toujours à la solution pour un développement sociétal harmonieux. « Héritières d’une occupation historique, accablées pour plusieurs d’entre elles d’une déshérence démographique, économique et sociale après avoir été longtemps négligées et dont il faut minimalement s’occuper, les régions et leurs espaces ruraux sont perçus comme des boulets plus que comme des ressources et des chances à saisir. »
 
Maintenant, quelles sont les nouvelles du front ?
 
L’Afrique accélère
 
Dans les derniers jours (j’écris le 28 novembre), l’agence de presse sénégalaise[3] nous apprend que « plusieurs experts africains venant d’une quinzaine de pays du continent sont en conclave à Cap-Skirring (…) sur les enjeux de la protection des produits de qualité liés à l’origine d’une indication géographique donnée.
 
"Indications géographiques en Afrique de l’Ouest : enjeux de développement territorial, d’intégration économique et de commerce international", est la thématique centrale de cette rencontre régionale organisée à l’initiative de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et de la FAO, en partenariat avec l’Agence sénégalaise pour la propriété industrielle et l’innovation technologique (ASPIT). »
 
Au cours de ce séminaire, les participants ont travaillé à la fois sur les dimensions nationale, régionale (l’Afrique de l’Ouest) et internationale. Des expériences du Cameroun, de la Guinée, du Maroc et de la Tunisie ont été présentées. Plus globalement, ce sont les questions de la coordination entre les états et de l’évaluation des impacts socioéconomiques et territoriaux qui ont constitué la toile de fond des travaux.
 
Pas seulement pour les produits alimentaires
 
En France, deux nouveaux produits viennent de voir leur démarche aboutir. Le plus intéressant à noter est qu’il ne s’agit pas de produits alimentaires. La stratégie de reconnaissance du caractère exceptionnel d’un produit, liée à sa provenance et au savoir-faire qui le caractérise, peut donc être utilisée pour tout produit qui jouit d’une forte image dans son pays d’origine. En l’occurrence il s’agit, pour le premier, du granit breton.[4] Oui, d’une roche !
 
Dans les derniers jours[5], c’est la porcelaine de Limoges qui a reçu, elle aussi, son signe de distinction. Là encore, comme pour le granit breton, comme pour les fromages ou tout autre produit alimentaire, l’objectif est d’empêcher que le nom soit usurpé à des fins de commerce trompeur. Cela ne fait aucunement de ces produits les meilleurs dans leur catégorie, mais cela leur redonne leurs lettres de noblesse propres.
 
Et cela marche !
 
Pour conclure, je voudrais évoquer deux derniers exemples, fort différents mais qui disent la même chose. La stratégie qui consiste à protéger des indications de provenance est une stratégie gagnante pour les territoires et pour les femmes et hommes qui portent les produits issus de ces territoires. Parmi toutes les conditions à réunir pour obtenir le succès, une m’apparaît la plus fondamentale ; travailler ensemble. Producteurs, transformateurs, acteurs du commerce, etc. Mais aussi, mais surtout, les élus politiques.
 
Premier exemple, le renouveau de la Clémentine de Corse[6]. Pratiquement disparue il y a 20 ans, une production de 30 000 tonnes en 2016 ! Avec une jeunesse qui retrouve le goût de faire le métier des parents. Si rien n’est gagné pour toujours, le succès est entrainant pour tout le monde.
 
L’autre exemple doit être lu a contrario. Il nous est donné par l’Italie. Vous êtes-vous, un jour, étonné de la profusion de produits italiens que l’on découvre sur nos tablettes ? Avez-vous pensé que tous ces produits venaient d’Italie ? La vérité est, si j’ose dire, bien plus simple : il s’agit souvent d’Italian sounding[7]. « Par Italian Sounding , on entend des produits qui font référence à l’Italie à travers des dénominations géographiques, images, marques, slogans... sans être italiens. Ils sont seulement à consonance italienne ! »
 
Devant de telles usurpations, les acteurs des filières alimentaires italiennes ont décidé d’agir. Je leur souhaite la plus grande des réussites. C’est le moindre des respects que l’on doit aux produits alimentaires et à celles et ceux qui les portent.

Jean-Michel Bordron
jmbconseils.ca
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Organisation : JMB Conseils, Consultant en stratégies bioalimentaires
Date de publication : 02 décembre 2017
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