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Apiculture – Chronique No 70 – 9 mai 2025

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AU RUCHER CETTE SEMAINE
9 mai 2025

La nutrition de l’abeille : les stérols sous la loupe
 
Le printemps ramène son lot de messages sur l’importance du pissenlit et sur la nécessité de ne pas tondre son gazon trop tôt, afin de venir en aide aux pollinisateurs. C’est vrai : le pissenlit constitue une ressource utile en début de saison. Mais s’il est important, il n’est pas suffisant. Le pissenlit pour les abeilles, c’est un peu comme la pomme pour l’humain : bon à consommer chaque jour, mais insuffisant pour subvenir à tous les besoins nutritionnels. Rappelons qu’en nutrition, la quantité ne fait pas la qualité. Une colonie peut disposer de réserves abondantes de miel et de pollen… tout en souffrant malgré tout de carences nutritionnelles.

Les besoins nutritionnels des abeilles sont complexes. Comme les humains, elles nécessitent une alimentation variée et équilibrée, capable de répondre à des exigences spécifiques. L’abeille domestique a besoin de glucides et de protéines, et plus précisément de dix acides aminés essentiels qu’aucune fleur ne fournit à elle seule. Le pollen récolté par les abeilles présente des teneurs variables non seulement en acides aminés, mais aussi en nutriments lipidiques indispensables à leur bon fonctionnement.

En effet, le pollen est une source majeure de stérols, d’acides gras, de triglycérides et de phospholipides. Ces composés jouent des rôles essentiels dans le stockage de l’énergie, la signalisation et la production d’hormones, mais nous connaissons encore mal les conséquences d’un apport insuffisant de ces éléments sur le développement, la santé et la survie des abeilles.

Les stérols

Prenons l’exemple des stérols : ce sont des substances grasses que l’on retrouve en très petite quantité dans le corps des abeilles, à peine 0,2 à 0,4 % de leur poids, mais qui sont pourtant essentielles à leur santé. Chez les humains, le stérol le plus connu est le cholestérol et il aide à produire certaines hormones, à fabriquer la vitamine D et à maintenir les cellules solides. C’est un peu le même principe pour les abeilles, même que le cholestérol fait aussi partie de leurs principaux stérols. 

Une étude récente menée par Thierry Bogaert et ses collègues (2025) s’est intéressée aux effets d’une alimentation enrichie des six stérols dominants de l’abeille. Les chercheurs ont testé plusieurs régimes sur des colonies ayant un accès limité aux ressources florales naturelles. Les résultats sont parlants : la diète contenant les six stérols a permis aux colonies de bien se développer, même dans un environnement dépourvu de ressources. En revanche, les régimes qui manquaient de certains stérols ont eu comme résultat une croissance plus faible du couvain. L’un des suppléments protéique commerciaux utilisé en apiculture a aussi été mis à l’essai dans les mêmes conditions, et c’est cette diète qui a donné les moins bons résultats en termes de croissance du couvain. Cela démontre que les compléments actuellement disponibles ne sont pas toujours adaptés aux besoins réels des abeilles.

L’étude a notamment révélé, pour la première fois, que l’isofucostérol, un stérol jusqu’alors peu étudié, est un nutriment essentiel pour l’abeille mellifère. Une alimentation dépourvue de ce stérol a entraîné une baisse significative de la production de couvain, ainsi qu’un impact négatif sur la fonction neuromusculaire, essentielle notamment à la pollinisation. Ce qui rend cette étude particulièrement intéressante, c’est qu’elle montre que les stérols ne remplissent pas tous les mêmes fonctions biologiques, et qu’ils ne sont pas interchangeables.

Bien que ces études sur les micronutriments essentiels soient révélatrices, il reste encore beaucoup d’inconnus en matière de nutrition des abeilles. Les effets d’une malnutrition sur leurs mécanismes biologiques ne sont pas encore pleinement compris. Une chose est certaine : nous sommes encore loin d’une production commerciale de suppléments capables de compléter efficacement l’alimentation de nos colonies en contexte de pollinisation commerciale. En revanche, nous savons qu’une grande diversité de pollen, donc de fleurs, peut répondre à leurs besoins nutritionnels. Ainsi, le choix du rucher en fonction de la diversité florale demeure, à ce jour, notre meilleur outil pour assurer la santé et la résilience de nos colonies.

Reconnaitre la diversité florale

Les plantes dites indésirables représentent souvent une source importante de fleurs pour les abeilles, même si elles sont mal perçues en agriculture. Malheureusement, l’intensification de l’agriculture moderne, marquée par une grande intolérance envers ces plantes spontanées, réduit drastiquement les aires de butinage. Il devient donc de plus en plus difficile de trouver des emplacements vraiment favorables à l’apiculture. Voici néanmoins quelques critères à considérer pour optimiser la diversité florale:
 
  • Éviter les milieux dominés par les monocultures et privilégier des zones peu perturbées par les activités humaines, où la flore sauvage peut s’exprimer librement. 
  • Repérer les bordures de champs, les talus, les bords de route et les fossés naturels bien conservés, idéalement présentant le moins de graminées possibles.
  • En milieu agricole, prioriser les fermes sensibilisées à l’importance de la conservation et à l’aménagement de parcelles de butinage.
  • Choisir un milieu offrant un potentiel d’amélioration, notamment par l’implantation d’aires de butinage (bandes riveraines, bandes fleuries, haies brise-vent, cultures de couverture, etc.).
Il est encourageant de constater que la recherche progresse en matière de nutrition des abeilles. Même s’il sera éventuellement possible de développer des outils pour compenser certaines carences, il vaut mieux agir à la source. La perte importante de zones naturelles est à l’origine de nombreuses problématiques. Et malgré les efforts de sensibilisation, beaucoup reste à faire, tant en milieu agricole qu’en milieu urbain.     


Références:
Furse, S., Koch, H., Wright, G.A. et al. Sterol and lipid metabolism in bees. Metabolomics 19, 78 (2023). https://doi.org/10.1007/s11306-023-02039-1

Bogaert, T., Reams, T., Maillet, I. et al. A nutritionally complete pollen-replacing diet protects honeybee colonies during stressful commercial pollination — requirement for isofucosterol. Proc. R. Soc. B 292: 20243078. (2025) https://doi.org/10.1098/rspb.2024.3078


Chronique rédigé par Sara Bouaziz, conseillère en apiculture | CRSAD et révisée Martine Bernier, responsable du transfert technologique et de la formation en apiculture | CRSAD


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Organisation : Centre de recherche en sciences animales de Deschambault (CRSAD)
Date de publication : 09 mai 2025

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