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Rentable, une haie brise-vent ?

L’utilisation de carte de rendement pour évaluer la rentabilité d’une haie

Toute haies brise-vent favorise la biodiversité. Mais sont-elles toutes rentables ?

La rentabilité d’un investissement se calcule dans le temps. En effet, l’implantation d’une haie brise-vent affectera les revenus et dépenses d’une entreprise durant plusieurs années. À sa plantation, la haie représente une dépense : il faut payer pour sa plantation, assurer son entretien durant les premières années (remplacement, fauche, taille), et accepter une perte de terrain cultivable.

Avec le temps, la haie aura un effet de plus en plus grand sur le rendement du champ adjacent. Près de la haie, jusqu’à environ deux fois sa hauteur, le rendement diminuera. Plus loin, entre 2 et 20 fois sa hauteur, il augmentera. Au-delà, la haie n’aura pas d’effet.

Un calcul de rentabilité doit donc considérer la croissance des haies, dont l’impact, bénéfique ou nuisible, s’étend progressivement au champ.

L’apport de la géomatique

Une revue de littérature publiée en 2017 propose une équation qui quantifie la relation entre la hauteur d'une haie et le rendement des cultures voisines 1. À l’aide de leur modèle, j'ai simulé la croissance de haies 2 sur une période de 60 ans, puis ajusté les cartes de rendements des champs adjacents 3. J'ai ensuite calculé l'évolution de la marge sur frais variables de chacun des milliers de points géoréférencés du champ 4. La simulation a été réalisée pour un champ étroit (118 mètres) et pour un champ large (780 mètres).

Les figures ci-dessous présentent la différence de marge sur frais variables obtenue suivant la plantation d’une haie brise vent. La haie composée d’arbres affecte la marge plus loin dans le champ que la haie d’arbustes.

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Les zones en gris ne sont pas affectées par la haie. La marge diminue près de la haie (zones en orange) et augmente plus loin dans le champ (zones en vert). Très près de la haie, la marge deviendra même négative en certains endroits (zones en rouge). La culture n’y sera plus rentable. On pourrait transformer ces endroits en zones de biodiversité.

Rentable, les haies ?

La somme des différences de marge 5 de chacun des points de la carte permet de calculer la rentabilité de la haie brise-vent.

Le graphique ci-dessous présente le profit cumulatif dégagé durant 60 ans après la plantation. Il inclut un scénario dans lequel les superficies non-rentables sont retirées de culture à mesure que la haie grandit. Un coût annuel de fauche, réalisée par exemple après la nidification des oiseaux champêtres, a été inclus. Dans l’autre scénario le champ continue d’être cultivé au complet. La perte de superficie cultivable, occupée par la haie après la plantation, a été prise en compte dans les deux scénarios. Le « profit cumulatif » est d’abord une perte cumulative. S’il revient à zéro, la haie a couvert ses coûts 6 et toute augmentation subséquente représente un revenu de l’investissement.

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Que suggère la simulation ?

Premièrement, il semble possible qu’une haie brise-vent représente un investissement rentable. La période de retour sur investissement pourrait toutefois être plus longue que pour d’autres investissements agricoles.

Deuxièmement, un montant important devra être investi au cours des premières années avant que la haie ne devienne rentable. Dans notre simulation, ce pic atteint environ 6 600 $ par kilomètre pour une haie arbustive après 5 ans, et 12 600 $ pour une haie arborescente après 10 ans 7. On voit que la perte cumulative cesse d’augmenter lorsque cesse l’entretien.

Troisièmement, le type de haie, arbustive ou arborescente, doit être choisi en fonction de la configuration du champ. Cela permet d'assurer qu'une proportion suffisante du champ bénéficie d'un gain de rendement, permettant de compenser les pertes près de la haie. Les cartes du champ large montrent une grande proportion sans effet de la haie et suggèrent qu’une deuxième haie arborescente pourrait y être implantée de façon rentable. À l’inverse, la haie d’arbres dans le champ étroit génère une importante zone avec perte de marge et une haie d’arbustes y serait plus rentable.

Quatrièmement, on constate que la transformation des zones non-rentables en zones de biodiversité fauchée une fois l’an peut augmenter la rentabilité de la haie 8. En effet, cultiver uniquement les zones rentables améliore la marge moyenne des champs. Qu’en est-il des quantités de grains produites ? La simulation suggère que si des haies incluant l’abandon de culture en zone déficitaire étaient adoptées de façon généralisée, la production totale de grain augmenterait légèrement, même avec 7% de champs étroits transformés en zone de biodiversité, comme c’est le cas dans notre exemple. En comparant le graphique ci-dessous au précédent on voit que cela n’est vrai que lorsque le type de haie le plus rentable est retenu. Quoique davantage de grains est produit sans zone de biodiversité, ce grain supplémentaire serait produit à perte comparativement au scénario optimisé pour la biodiversité.

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Finalement, la simulation suggère une stratégie pour les haies matures, souvent naturelles, et qui gênent les opérations culturales. La solution rentable ne serait pas de les couper pour normaliser les rendements en périphérie, mais plutôt de les tailler 9, tout en transformant la bande de culture déficitaire adjacente en refuge de biodiversité 10.

Cette simulation vise à susciter la réflexion. Elle est basée sur des données agronomiques somme toutes limitées et ses prévisions ne sont probablement pas exactes dans plusieurs situations. Des données supplémentaires semblent nécessaires pour rendre la planification des haies plus précises concernant leur impact sur le rendement.

Pour aller plus loin : un projet prometteur

L’IRDA amorce actuellement un ambitieux projet qui étudiera environ 250 cartes de rendements de champ avec ou sans haie brise vent 11. Les caractéristiques des haies et du champ seront considérées. Les chercheurs créeront ensuite un logiciel qui permettra d’estimer les impacts agronomiques et économiques de l’implantation de haies brise-vent, en incluant des facteurs propres au terrain (rotation, sol, climat) et à la conception des aménagements.

Souhaitons que ces données éclairent nos décisions pour façonner des paysages agricoles où rentabilité et biodiversité se renforcent mutuellement.
 


  i Laura V. Vooren et al. (2017). Ecosystem service delivery of agri-environment measures: A synthesis for hedgerows and grass strips on arable land. Agriculture, Ecosystems & Environment 244 :32 – 51. L’équation génère des prédictions d’effets sur le rendement à des distances exprimées en multiples de la hauteur de la haie.

ii Des données de cette étude ont été utilisées comme base pour établir les taux de croissance. A. Mathieu et al (2024). Drivers of tree establishment in planted windbreaks and riparian buffers: a case study of farms in southern Quebec, Canada. Geoderma Regional 37 : e00788.
iii Merci au producteur pour le partage des données de rendement. Le code R rédigé pour la simulation est disponible sur demande. La même carte de maïs-grain a été mise à jour durant 60 ans par souci de simplicité de programmation. J’ai donc présumé que la haie aurait un effet économique similaire sur toutes les cultures de la rotation.
iv  Les coûts variables et le prix de vente sont tirés du document Maïs-grain, budget à l’hectare. AGDEX 111/821b, publié par le CRAAQ.
v Différence entre l’année en cours et l’année 0.
vi Les frais de plantations et d’entretien sont tirés du document Haies brise-vent, coûts d'implantation et d'entretien. AGDEX 573/8212024, publié par le CRAAQ.
vii Les couts d’intérêts ne sont pas considérés dans la simulation.
viii Des chercheurs de l’université de Guelph ont déjà étudiée des scénarios similaires pour les cultures de couverture. Référence : Virginia Capmourteres et al. (2018). Precision conservation meets precision agriculture: A case study from southern Ontario, Agricultural Systems 167: 176-185.
ix Un tel travail peut être mécanisé, avec des outils comme ceux utilisés dans cette démonstration.
x Il faut considérer la largeur et la porosité de vieilles haies. La revue de littérature utilisée pour la simulation ne relevait pas d’effet significatif de ces facteurs sur les rendements. Cela reste à étudier plus en profondeur au Québec.
xi Une étude similaire a été réalisé en Alberta : S. Robinson et al. (2022). Livin’ on the edge: Precision yield data shows evidence of ecosystem services from field boundaries. Agriculture, Ecosystems & Environment 333: 107956.

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Organisation : Ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation (MAPAQ)
Collaborateur(s) : Cédric Bouffard
Date de publication : 23 mai 2025

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