Suivi des plantes de blé d'automne pour déterminer l'impact du gel sur ceux-ci. Vergette du Canada résistante au glyphosate : quoi faire en début de saison. Bonne pratique aux semis : consigner l'information des semences utilisées.
EST-CE QUE LE GEL NOCTURNE RÉCENT A EU UN IMPACT SUR LE BLÉ D'AUTOMNE?
S. Mathieu1, B. Duval1 et V. Samson1
1. Agronome (MAPAQ)
Les températures sont descendues sous le point de congélation dans plusieurs secteurs dans la nuit du 30 avril au 1er mai. Compte tenu du stade physiologique du blé d’automne qui varie entre le stade « tallage » et la montaison, la majorité des secteurs ne semblent pas avoir atteint la durée et les températures critiques pour endommager le blé. Un suivi peut toutefois être requis pour certains champs.
Le gel des tissus qui forment l’épis (apex) est critique pour le blé d'automne : si ces tissus gèlent, les dommages seront majeurs et le rendement en sera affecté. À la montaison, une température de -4 °C pendant plus de deux heures peut causer des dommages aux points de croissance. Au stade « tallage », une température de -11 °C serait nécessaire pour réduire le nombre de talles et causer des dommages (voir tableau 1).
Tableau 1 : Températures pouvant causer des dommages en fonction du stade physiologique
du blé d'automne, symptômes et impact potentiel sur le rendement
| Stade du blé |
Température (d'une durée de 2 heures) pouvant causer des dommages |
Symptômes liés au gel |
Impact probable sur le rendement |
| Tallage |
-11 °C |
Chlorose des feuilles, brunissement du bout des feuilles, odeur d'ensilage |
Faible à modéré |
| Montaison |
-4 °C |
Mort du point de croissance, jaunissement ou brunissement des feuilles |
Modéré à sévère |
| Gonflement |
-2 °C |
Stérilité des florets, épis coincés dans la gaine, dommages au bas des tiges, décoloration du feuillage. |
Modéré à sévère |
Source : Université du Nebraska
Les conséquences de l'effet du gel dépendent des éléments suivants :
- La température atteinte, la durée du gel et le stade de développement du blé;
- L’humidité du sol : un sol humide dégagera de la chaleur pendant la nuit et empêchera la température de s’abaisser rapidement, tandis qu’un sol sec est plus à risque;
- La topographie du champ : les zones basses sont plus à risque;
- Les variétés : certaines sont plus fragiles;
- Le développement foliaire des plants : plus les plants ont de feuilles, plus le point de croissance est protégé. Certains champs sont actuellement au stade « début montaison », mais le point de croissance est encore situé très bas dans la tige. Il se trouve donc mieux protégé.
Diagnostiquer les dommages selon le stade physiologique du blé
Si le blé a été endommagé par le gel, le moment d’apparition des symptômes variera en fonction du stade physiologique du blé et des conditions météo qui suivront. Par temps froid, leur apparition sera retardée.
Si le gel a eu lieu au stade « tallage », après quelques jours, on pourra observer un brunissement du bout des feuilles, une chlorose et une odeur d’ensilage peut également être perçue. À ce stade, le point de croissance est heureusement protégé puisqu’il est encore sous le sol. Le gel occasionnera un ralentissement de la croissance des plants et une diminution du nombre de talles, mais le blé reprendra son développement par la suite.
La décoloration du feuillage n’indique pas nécessairement que le rendement sera affecté. Une diminution de rendement serait à prévoir dans le cas où le feuillage et les tiges auraient été suffisamment affectés (photo 1a) pour que le plant produise de nouvelles talles à partir du collet. Le potentiel de rendement serait alors diminué par le fait que le rendement principal proviendrait des épis produits par ces talles secondaires.
Pour bien diagnostiquer la problématique à la montaison, on doit couper la tige avec précaution et observer à la loupe l’état de l’épi en formation encore situé au bas de la tige. Un épi sain est turgescent (photo 1b). Si ce dernier a été affecté par le gel, il sera mou et aura perdu sa couleur vive (photo 1c). Des dommages à ce stade peuvent entraîner une maturité inégale à la récolte et une baisse de rendement potentielle.
Photo 1 : a) Le jaunissement de la dernière feuille émergée indique que le point de croissance a été endommagé
Source : Université du Nebraska
Photo 1 : b) Épi sain; c) Épi affecté par le gel ayant perdu sa turgescence et sa couleur verte éclatante
Source : Université du Nebraska
Photo 2 : Plant de blé approchant le stade « Zadocks Z30 » épi 1 centimètre
Source : Stéphanie Mathieu, agr. (MAPAQ)
VERGERETTE DU CANADA RÉSISTANTE AU GLYPHOSATE :
DÉPISTAGE, DÉTECTION DE LA RÉSISTANCE ET CONTRÔLE EN DÉBUT DE SAISON
Rédaction : S. Mathieu1
Collaboration : B. Duval1, V. Samson1, A. Picard1
1. Agronome (MAPAQ)
Le début du mois de mai est un bon moment pour dépister la vergerette du Canada dans les champs en semis direct ou dans les zones non perturbées par le travail de sol. Cela permet également de vérifier si elle présente une résistance au glyphosate ou à d'autres herbicides.
| Il est primordial de détruire les plantules de vergerette en début de saison, soit au stade rosette. Passé ce stade, la plante est plus difficile à contrôler, tant chimiquement que mécaniquement. |
En 2024, le réseau de surveillance du RAP Grandes cultures et la vigilance des producteurs et conseillers ont permis de détecter 24 nouvelles populations de vergerette du Canada résistantes aux herbicides des groupes 2 et/ou 9 dans la région de la Montérégie. Ces nouvelles détections portent à 73 le nombre total de cas de vergerette du Canada résistante aux herbicides au Québec. En plus de la Montérégie, quelques populations résistantes sont également présentes dans les régions suivantes : Centre-du-Québec, Chaudière-Appalaches, Estrie et Lanaudière.
La vigilance et un contrôle rapide sont de mise puisque la mauvaise herbe produit de petites graines avec une aigrette leur permettant de se disperser sur de longues distances. Ainsi, quelques individus résistants, au départ isolés, peuvent rapidement se propager. Pour obtenir des informations détaillées sur la localisation de ces populations, consultez le Portrait de la résistance des mauvaises herbes aux herbicides (2011-2024).
Pour dépister la vergerette du Canada, visitez les bords de champs et de fossés ainsi que les autres endroits où le sol n’a pas été perturbé. Ces endroits sont ceux où la plante a pu s’établir l’automne précédent.
Vergerette du Canada en bordure de champ
Photo : S. Mathieu, agr. (MAPAQ), 5 mai 2023
Vergerette du Canada en bordure de champ
Photo : B. Duval, agr. (MAPAQ), 9 mai 2023
Certaines caractéristiques des feuilles permettent d’identifier la vergerette du Canada au printemps :
- leur disposition est alterne et en rosette;
- leur surface est très pubescente avec des poils soyeux;
- leur marge comprend quelques grosses dents.
Feuilles disposées en rosette; forme de la vergerette du Canada au printemps
Photo : LEDP (MAPAQ)
Détection de la résistance
Si vous avez observé une ou des populations de vergerette du Canada et suspectez qu’elles pourraient être résistantes au glyphosate, communiquez avec votre conseiller. Vous pouvez également envoyer un échantillon d’une dizaine de feuilles au Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection (LEDP) qui effectuera les tests rapides de détection de la résistance aux herbicides. Les analyses pour les groupes 2, 5 et 9 sont disponibles pour la vergerette du Canada. Pour les autres groupes, il faut réaliser des tests classiques.
Pour plus d’information sur le diagnostic de la résistance des mauvaises herbes, la méthode d’échantillonnage, ainsi que les tarifs, consultez Votre trousse « Résistance des mauvaises herbes pour 2025 ». Bien connaître le profil de résistance des mauvaises herbes permet d’établir une bonne stratégie d’intervention.
Contrôle de la vergerette du Canada résistante au glyphosate en début de saison
Un travail de sol permettant de déraciner les plantules peut être efficace. Toutefois, lorsque la population est grande, il est possible que le sol emprisonné dans les racines des plants leur permette de survivre. Il est donc important d'assurer un suivi de l’efficacité des différentes interventions.
Si la population de vergerette a été confirmée résistante à un ou plusieurs groupes d’herbicides, assurez-vous de sélectionner les produits pour effectuer le désherbage en tenant compte des groupes de résistance. Consultez le module de recherche de la section Traitements phytosanitaires et risques associés du site SAgE pesticides pour répertorier les herbicides efficaces pour contrôler de la vergerette du Canada.
UNE BONNE PRATIQUE LORS DES SEMIS : CONSIGNER LES INFORMATIONS SUR LES SEMENCES UTILISÉES
B. Duval1, V. Samson1, S. Mathieu1, I. Bernard1, S. Boquel2 et J. Saguez2
1. Agronome (MAPAQ), 2. Chercheur (CÉROM)
Avec la période des semis qui s’amorce, il est fortement recommandé aux entreprises agricoles de bien documenter et de conserver toutes les informations concernant les semences utilisées dans chacun des champs. Cela inclut :
- Les caractères technologiques de tolérance aux herbicides : Roundup Ready 2, Enlist E3, Xtend, XtendFlex, LibertyLink, etc. – cliquez ici pour consulter un tableau résumé des caractères technologiques de tolérance aux herbicides dans les cultures de maïs et de soya;
- Les traits de résistance aux insectes (protéines insecticides Bt et ARNi) – cliquez ici pour consulter le tableau des technologies de maïs exprimant des protéines insecticides disponibles au Canada;
- Les traitements de semences (insecticides, fongicides, nématicides, etc.).
Ces données sont précieuses tout au long de la saison pour prendre des décisions éclairées en matière de protection des cultures, mais aussi pour diagnostiquer efficacement certains problèmes en cours de saison et intervenir de façon appropriée. Par exemple :
- En cas de phytotoxicité liée à un herbicide, s’il n’est pas possible de savoir avec certitude quelle semence a été utilisée dans le champ (ex. : soya tolérant ou non au dicamba), cela peut compliquer l'identification de la cause du dommage;
- Lorsque certains insectes ravageurs causent des dommages dans un champ de maïs, il est important de savoir si la semence contient ou non un trait technologique ciblant ces insectes. Cela déterminera si l’observation peut être considérée normale dans les circonstances ou s’il s’agit d’un cas potentiel de résistance. Dans ce cas, des démarches pourraient être entreprises pour le vérifier.
La gestion des mélanges de semences est également critique. Un mélange de semences ayant différentes caractéristiques technologiques peut compliquer les choix de traitements herbicides. En effet, les herbicides à utiliser devront considérer seulement les caractères en commun pour toutes les variétés ou hybrides. Si des semences de l’année précédente sont utilisées, noter aussi cette information.
Enfin, rappelons que les herbicides appliqués en brûlage, en présemis ou en prélevée doivent être compatibles avec les semences utilisées : par exemple, un herbicide à base de dicamba ne doit être appliqué en présemis que si du soya tolérant au dicamba (ex. : Xtend ou XtendFlex) est semé. Semer un soya n’ayant pas ces technologies dans un champ traité avec du dicamba, même en brûlage, peut entraîner une phytotoxicité sévère, car ce type de soya n'est pas tolérant à cet herbicide. Les directives de l’étiquette doivent toujours être respectées.
Quelques trucs simples pour bien conserver l’information :
- Conserver quelques sacs vides ou étiquettes dans un endroit désigné, idéalement identifié avec les numéros des champs où les semences ont été utilisées;
- Prendre une photo de chaque étiquette de sac avant le semis, incluant les informations sur les traits technologiques et les traitements de semences;
- Consigner les informations sur les semis dans un carnet (papier ou numérique) ou une application, en notant pour chaque champ la variété/hybride, les traits technologiques, les traitements de semences, la date de semis et les conditions au moment du semis;
- Partager l’information avec les personnes concernées (conseillers, partenaires, employés) pour éviter les erreurs ou les oublis.
Pour des rappels utiles sur l'utilisation des caractères technologiques de tolérance aux herbicides dans le maïs et le soya, consultez l’
avertissement N° 5 du 31 mai 2024. Pour plus d’information sur les bonnes pratiques en lien avec le maïs exprimant des protéines insecticides, consultez les documents suivants :
Stratégie de prévention contre la résistance de la chrysomèle des racines du maïs au maïs Bt et
Pyrale du maïs dans le maïs de grande culture : surveillez le développement de la résistance au Bt.
En résumé : une bonne traçabilité des semences est un outil essentiel de prévention, d’analyse et de protection tout au long de la saison, particulièrement lorsque des changements de semences surviennent pendant les semis. Prenez le temps de consigner les informations dès maintenant et à chaque étape de la période de semis!
| Toute intervention envers un ennemi des cultures doit être précédée d’un dépistage et de l’analyse des différentes stratégies d’intervention applicables (prévention et bonnes pratiques, lutte biologique, physique et chimique). Le Réseau d’avertissements phytosanitaires (RAP) préconise la gestion intégrée des ennemis des cultures et la réduction des pesticides et de leurs risques. |
Pour des renseignements complémentaires, vous pouvez contacter le secrétariat du RAP. Édition : Marianne St-Laurent, agr., M. Sc. et Lise Bélanger (MAPAQ). La reproduction de ce document ou de l’une de ses parties est autorisée à condition d'en mentionner la source. Toute utilisation à des fins commerciales ou publicitaires est cependant strictement interdite.