Des scientifiques réfutent les conclusions d’un rapport de Greenpeace à propos de l’apparition d’un nouvel insecte ravageur dans le Middle West américain
En mars 2010, la firme Testbiotech a publié un rapport préparé par Christoph Then et commandité par Greenpeace Germany concluant que la propagation du vers gris occidental du haricot (Striacosta albicosta) serait imputable à la culture à grande échelle de maïs transgénique exprimant la protéine Cry1Ab (Bt). Selon ce rapport, un phénomène de remplacement de ravageur se serait produit, c'est-à-dire que la réduction de la population d'un insecte sensible à la toxine Bt (Helicoverpa zea dans le cas présent) aurait fourni une niche écologique à un ravageur compétiteur insensible à cette toxine (le vers gris du haricot).
Un groupe de chercheurs américains (Hutchison et al.) a publié un article réfutant cette conclusion dans la revue Journal of Integrated Pest Management.
La propagation du vers gris du haricot est bien réelle. En effet, alors que les dommages lui étant attribuables étaient auparavant confinés à certaines régions du Nebraska, de l'Idaho et du Colorado, on en rapporte maintenant dans presque tous les états du Middle West ainsi qu'au Québec.
Cependant, les chercheurs remettent en question le lien de causalité entre l'expansion du territoire où cet insecte est problématique et l'utilisation accrue du maïs Bt. Ils avancent d'autres facteurs de nature écologique et agronomique ayant pu favoriser cette expansion dont la réduction du labour (favorisant la survie des larves en hibernation) et les changements climatiques. Ils insistent aussi sur le fait qu'aucune étude au champ n'a été réalisée par Then afin de prouver cette théorie.
Then suggère aussi que le problème pourrait être résolu par l'abandon de l'utilisation de la toxine Bt, ce que Hutchison et al. jugent irrationnel et irréaliste. La protéine Bt permet actuellement un contrôle efficace de deux ravageurs importants; en admettant que le phénomène de remplacement de ravageur soit responsable de l'expansion observée, son abandon ne ferait que remplacer un mal par un autre, argumentent-ils.
Quoi qu'il en soit, il faut garder à l'esprit que si la toxine Bt est responsable du phénomène observé, le fait qu’elle soit issue d’une plante transgénique n'est pas directement en cause.
En effet, cette toxine est aussi bien utilisée en agriculture conventionnelle qu’en agriculture biologique que dans les cultures transgéniques. De plus, seuls les producteurs utilisant les cultures transgéniques doivent obligatoirement suivre un plan de gestion de la résistance des insectes (voir l'Agence Canadienne d'Inspection des Aliments pour le Canada et l'Environmental Protection Agency aux États-Unis) visant à retarder l'apparition de résistance et à faire respecter les principes de la lutte intégrée.
Références:
L’article : Hutchison et al. (2012). « Genetically Engineered Bt Corn and Range Expansion of the Western Bean Cutworm (Lepidoptera: Noctuidae) in the United States: A Response to Greenpeace Germany. » Journal of Integrated Pest Management. 2(3). 8 pages. En ligne.
Le rapport : Then (2010). « Agro-Biotechnology: New plant pest caused by genetically engineered corn ». Testbiotech Report March 2010, prepared for Greenpeace Germany. En ligne.
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